Quand les geeks se penchent sur les crises
Inondations au Pakistan, incendies en Russie, coulées de boue en Chine... Alors que les catastrophes naturelles se multiplient, les geeks mettent leur savoir-faire au service de l'humanitaire. Décryptage.
“Tout individu collabore à l’ensemble du cosmos”. Une poignée de geeks a fait sienne cette citation de Friedrich Nietzsche et espère apporter sa pierre à l’édifice humanitaire. En effet, avec l’avènement des nouvelles technologies, citoyens, blogueurs et hackers peuvent maintenant mettre en commun leur créativité.
Cette transformation est révolutionnaire pour le fonctionnement général des sociabilités, mais aussi pour un secteur comme l’humanitaire. Désormais, dès le déclenchement d’une crise, le web participe, à travers les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Wiki) à l’organisation d’une solidarité mondiale. De nouvelles pratiques s’installent, qu’il s’agisse des dons aux ONG via le web ou de la diffusion d’informations.
Lors du séisme d’Haïti, c’est notamment grâce au site de microblogging Twitter que le journaliste haïtien Carel Pédré a maintenu un lien avec les médias du monde entier et les a informés de la situation.
Geeks + cartographes + traducteurs
Un nouveau venu se distingue dans cette masse de solidarités en action: le mouvement des Crisis Camps.
Cartographes, traducteurs ou simples geeks, ses membres partagent le désir de mettre leurs compétences au service des autres en cas de crise. Aux États-Unis, où le mouvement est né en 2009, cela s’est notamment traduit lors de la marée noire dans le Golfe du Mexique par la création d’une application iPhone. “Oil Reporter” permet aux habitants de signaler la présence d’une quantité importante de pétrole, ce qui aide les autorités compétentes pour le nettoyage des zones polluées.
En France, cette communauté est encore balbutiante. “Les Crisis Camps désignent à la fois les réunions organisées en amont et le fait de se mobiliser en cas de catastrophe”, explique Claude Suna, qui a eu connaissance du mouvement américain en tenant un “live-blogging” sur Haïti. Les cartographes d’Openstreetmap et les traducteurs de Global Voices font aussi partie de l’aventure.
Vidéo présentant le développement rapide des points de reports sur Openstreetmap suite au tremblement de terre en Haïti
L’acte de naissance français remonte au 24 avril, date à laquelle les membres se sont réunis dans un haut lieu parisien de la culture internet: la Cantine. Lors de cette “non conférence” comme l’appellent les participants, les quelques 70 inscrits ont pu échanger sur leur vision du mouvement et sur la manière la plus simple et efficace de se mobiliser lors de la prochaine crise. “On peut imaginer par exemple un Wiki où chacun pourrait être éditeur de contenus”, indique Claude Suna.
De nouveaux partenaires pour les spécialistes de l’urgence
Dernière lubie en date des forcenés de l’ordi? Pas seulement, si on en croit le lieu de réunion de leur premier congrès international: le bureau présidentiel de la Banque Mondiale. Du 15 au 17 juillet, les représentants de chaque entité nationale se sont retrouvés à Washington pour organiser le mouvement Crisis Commons (son nom international). Des universitaires, des représentants d’agences gouvernementales et d’ONG ainsi que des consultants du secteur privé sont venus échanger avec ces nouveaux partenaires. Pourtant, à l’heure actuelle, les Crisis Camps peinent à sortir d’un cercle d’initiés.
“Dans les semaines qui viennent, nous allons voir comment nous coordonner, à la fois entre les différents pays et avec les institutions existantes”, explique Gaël Musquet, le représentant français au congrès. Concrètement, cela pourrait se traduire par la mise en ligne, sur les pages des ONG, d’un lien vers la plateforme Crisis Camp qui agrégerait l’ensemble des informations sur une catastrophe donnée.
“On n’est absolument pas en concurrence avec les acteurs de l’humanitaire”, tient à préciser Gaël Musquet, qui présente l’initiative des Crisis Camps comme “une réaction à la mauvaise utilisation que font les gouvernements des nouvelles technologies”. Lors du séisme survenu à Port-au-Prince, les Crisis Camp américains et canadiens ont ainsi travaillé avec le gouvernement haïtien.
Quant au modèle économique des Crisis Camps, il devrait varier en fonction des législations nationales. Fondations dans le monde anglo-saxon, associations autre part, le choix du statut fait aussi partie des discussions en cours. “Tout dépend des volontaires qui s’engagent dans ce projet”, résume Gaël Musquet. Qui, du témoin qui envoie par SMS à la plateforme Ushahidi une information sur un conflit à l’internaute qui “twittera” une information, pourra être considéré comme un contributeur? Réponse à la prochaine crise.
—
Article initialement publié sur Youphil
Laisser un commentaire