Est-ce le progrès technologique qui déshumanise la société?
Présenté récemment au festival du film de Londres, "Never Let Me Go" interroge notre rapport au progrès technologique.
Le film qui a ouvert le 54ième Festival du Film de Londres, mercredi 13 octobre, est très prenant et superbement écrit. Tout au long de l’histoire, vous ne pourrez vous empêcher de verser quelques larmes (ce fut mon cas) et vous serez totalement captivés par l’intrigue qui évolue en pleine science-fiction. Pourtant, une fois terminé, il vous reste un étrange sentiment d’impuissance et un gros point d’interrogation. Pourquoi sommes-nous si préoccupés par les effets du progrès scientifique et technologique, alors que ce que nous devrions craindre le plus, c’est l’ombre d’une société passive et soumise ?
“Never Let Me Go” est une adaptation du livre de Kazuo Ishoguro (sélectionné pour le Booker Prize) réalisé par Mark Romanek avec Keira Knightley, Andrew Garfield et Carey Mulligan. Il raconte l’histoire de Kathy, Ruth et Tommy, trois amis du pensionnat de Hailsham, où les élèves apprennent à croire qu’ils sont spéciaux et où “la créativité, le sport et une saine hygiène de vie associée à un suivi médical” sont encouragés. Malgré ce régime strict, Hailsham ne semble pas différent des autres pensionnats de la campagne anglaise des années 1970, jusqu’à ce que la sombre vérité soit révélée par l’un des professeurs. Les élèves sont en fait des clones créés par le gouvernement pour alimenter le Programme National de Dons : leur destin, une fois adultes, est de donner leur organes puis mourir. Ces clones peuvent penser, sentir et souffrir comme tout être humain.
Le film se concentre sur le triangle complexe amour-amitié-jalousie liant ces trois amis qui partagent le même sort.
Dans cette histoire, il est question de moralité et de comment les gens font face à leur destin, raconte Kazuo Ishiguro lors de la conférence de presse. Je pense que cette histoire tente d’éclairer positivement la nature humaine. Essayer de dire de la manière la plus convaincante qui soit que lorsque les gens se sentent piégés et que le temps leur échappe, certaines choses deviennent importantes comme l’amitié et l’amour.
Pourtant, ce qui frappe le plus dans ce film ce n’est pas le triomphe des sentiments humains sur une société où la science a fait main basse sur l’éthique et l’humanité, mais plutôt le sentiment de résignation et d’acceptation de ce qui semble être un monstruosité cautionnée par l’État.
Les personnages montrent peu de signes de rébellion et on ne peut deviner s’il y a une quelconque résistance au système à l’extérieur. Tout et tout le monde semble tout à fait normal. Les enfants n’ont pas le moindre signe de choc ou de vertige lorsqu’on leur apprend la vérité à propos de leur destin. Ils ne tentent même pas de s’échapper une fois devenus adultes et conscients d’avoir une “âme” et des émotions.
C’est cette étrange normalité, qui imprègne l’atmosphère tout au long du film, qui vous fait vous demander si nous avons réellement besoin d’un scénario de science-fiction, tel qu’une découverte médicale révolutionnaire, pour imaginer un monde qui aurait perdu son sens de l’humanité. La soumission sourde à l’autorité et le manque de pensée critique ne sont-ils pas suffisants pour engendrer une société monstrueuse ?
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