Droit d’auteur: le boulet de l’industrie musicale ?

Le 27 octobre 2010

Partant de l'article de Charlotta Hedman, nous vous proposons une synthèse des différents points de vue concernant la problématique du droit d'auteur dans le cadre de l'industrie musicale.

Note de l’auteur: il est judicieux de justifier le choix du terme de droit d’auteur. Cet article n’est pas une traduction mais une adaptation. En effet, ayant conscience que le copyright diffère sur certains points de notre droit d’auteur français, nous avons opté pour l’adaptation plutôt qu’une traduction qui n’aurait été d’aucun intérêt pour nos lecteurs. Nous avons constaté en lisant l’article original sur Hypebot que les remarques effectuées par les intervenants étaient applicables et pertinentes tant pour le copyright que pour le droit d’auteur et nous aurions trouvé dommage de ne pouvoir apprendre des expériences anglo-saxonnes malgré les différences qu’il existe entre nos systèmes respectifs.

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Depuis le début de la “crise” de l’industrie musicale, le droit d’auteur, notion complexe, subit les assauts des pirates et autres trublions qui cherchent à trouver d’autres modèles à l’heure du renouvellement qu’impose Internet. Dans un article paru sur Hypebot, Charlotta Hedman (@fjoms), essaye de faire le point sur la situation actuelle. Pour ce faire, elle a mis en place un dispositif original: la même question, posée à un panel d’experts:

Que devrait faire l’industrie de la musique du droit d’auteur? (What should the music industry do about Copyright?)

Nous vous proposons ici un condensé de son travail.

Richard Stallman: “Pour le bien de la musique, supprimons les majors!”

Le fondateur du Free Software Mouvement estime que les majors de l’industrie musicale ont mis en péril notre liberté en militant pour des lois répressives.

Elles créent en plus de la musique dont le succès dépend pour une large part de l’investissement initial. Cette manœuvre, qui consiste à créer de la superstar, contribue à agrandir les inégalités existantes dans le milieu. Il serait donc grand temps, selon R. Stallman et pour le bien de la musique, d’éradiquer ces puissantes machines.

Les solutions pour les artistes? Une forme de licence globale par et le “direct to fan” généralisé.

Eric Mackay, CELAS : une collaboration plus forte entre industrie musicale et secteur technologique

Pour Eric Mackay, c’est plutôt la question de la relation du consommateur aux droit d’auteur qu’il faudrait poser. La musique ayant perdu de sa valeur aux oreilles des consommateurs, les ayants-droit ne peuvent s’adapter du jour au lendemain.

Selon lui, les créatifs ne devraient pas chercher à monétiser la musique en elle-même mais la relation émotionnelle qu’elle créée.

Les ayants-droit ne peuvent s’adapter à la gratuité, il leur faut donc trouver d’autres voies de sortie. Partant de cette constatation, E. Mackay considère la frustration des auditeurs comme tout à fait compréhensible. Il rappelle cependant le fait qu’il est beaucoup plus évident d’obtenir une autorisation pour diffuser de la musique que cela ne l’est pour un film. Ce qui est certain, c’est qu’aucun utilisateur n’a jamais rechigné à payer le droit d’avoir un accès Internet mais la musique qui s’y trouve semble être négociable.

Le point essentiel pour E. Mackay réside dans la collaboration entre les secteurs technologiques et l’industrie musicale.

Il soutient que les innovations technologiques ne seront jamais à la hauteur des espérances des utilisateurs sans l’expertise du secteur concerné.

Helienne Lindvall: l’adaptation du droit aux usages

Journaliste, musicienne et compositrice, H. Lindvall pense que la difficulté provient du nombre d’usages auxquels le droit d’auteur se doit de s’adapter. Il est urgent pour les détenteurs de droits d’instaurer une solution plus simple et plus pratique pour faire valoir leurs droits. Les sociétés de gestion de droits ont commencé à mettre en place des systèmes de licence adaptés aux nouvelles technologies mais cette mise en place est bien trop tardive, lente et inefficace. Selon  H. Lindvall, les institutions responsables n’ont pas pris conscience de l’urgence de la situation.

Grant Murgatroyd: “La musique n’est qu’un détail”

G. Murgatroyd affirme que la musique n’est qu’un détail. Normal, pour un journaliste financier. La propriété intellectuelle ne représenterait que 20% de leur raison d’acheter et de ce que les fournisseurs sont prêts à investir. Selon G. Murgatroyd, le succès dépend du consommateur, le contenu, les productions et leur exécution n’intervenant que sur un second plan.

Jeremy Silver: une licence globale aidée par le numérique

Le président de la Featured Artists Coalition connaît son sujet et précise d’emblée que le droit d’auteur recouvre plusieurs réalités : droit de reproduction, droit de paternité, droit patrimoniaux (rémunération) et finalement le droit moral. Le fait de contrôler totalement la reproduction d’une œuvre est selon lui impossible à l’heure d’internet. Nous pouvons éventuellement ralentir la reproduction mais certainement pas l’éradiquer. Ceci dit, heureusement, la notion de paternité n’est pas remise en cause. Ce qui l’est en revanche est le droit patrimonial, et  le problème majeur est celui de la rémunération, le droit d’auteur n’étant certainement pas remis en cause.

Pour résoudre ce problème récurrent, J.Silver prône l’instauration d’une licence globale appuyée par le numérique:

Puisque de nouveau systèmes numériques intelligents permettent d’analyser quels contenus transitent par eux et où ils sont ensuite consommés ou utilisés, ces mêmes données pourraient servir à assurer la répartitions des revenus.

Scott Cohen: la publicité nous sauvera

S. Cohen lui, dénonce une grossière confusion faite entre la gestion de droit d’auteur et la protection de celui-ci. La protection des œuvres est une stratégie vouée à l’échec. Elle représente une réelle barrière à la rémunération. Plus personne ne demande d’où vient la musique qu’on découvre via Youtube. Pour le co-fondateur de la société de marketing et de distribution The Orchad :

Les revenus générés par la publicité indemniseront les propriétaires.

Michael Breidenbruecker: simplifier le droit d’auteur

Co-fondateur de Last.fm et PDG de RjDj, M. Breidenbruecker rejoint H.Lindvall et soutient que les acteurs de l’industrie doivent simplifier la façon de licencier les travaux. Le système actuel empêche toute forme d’innovation de se développer. Rien à voir avec le fait que le droit d’auteur soit bon ou mauvais. Tout le monde s’accorde sur le fait que les créateurs doivent être rémunérés.

Synthèse :

- concernant la reproduction à usage privé, la reconnaissance des CC (Creative Commons) règlerait le problème de l’illégalité (ridicule) de cette pratique.

- les secteurs techno et musique doivent travailler main dans la main pour offrir aux consommateurs une expérience unique et valorisable.

- utiliser les données du réseau pour rémunérer les artistes semble être une des solutions les plus adaptées pour une rémunération équitable. Cela passe néanmoins par une véritable volonté politique d’instaurer une licence globale.

- concernant l’efficacité des dons spontanés des auditeurs, évoqués par S. Stallman, tout reste à prouver.

- accélérer la mise en place de systèmes de création de licence est une priorité.

Cet article est inspiré du travail de Charlotta Hedman paru sur Hypebot.com

Crédits photos CC Flickr: Andyadontstop; Jfgornet; caribb

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