Negroponte : “Le livre est mort. Dans 5 ans, il aura disparu.”
La phrase du fondateur du Media Lab du MIT découle d'un raisonnement simple : le livre numérique devrait supplanter le livre physique, à commencer par les pays où le livre tel que nous le connaissons n'est pas ou peu accessible.
Durant l’été, lors de la conférence Techonomy, Nicholas Negroponte avait lancé une phrase peu anodine qui a agité le milieu de l’édition aux Etats-Unis : “L’objet livre est mort. Dans 5 ans, il aura disparu.”. En France, sans que nous en ayons été étonnés, les relais ont manqué. Cependant, l’initiateur du projet OLPC (One Laptop Per Child) persiste et signe dans un interview accordée il y a quelques semaines à la chaîne CNN.
Le fondateur du Media Lab réitère avec assurance. Et son affirmation (qui bousculera sûrement certains éditeurs) pose la question de son fondement. À partir de quel constat Nicholas Negroponte peut-il établir que le livre papier n’a plus d’avenir ? La réponse est simple : l’expérience OLPC. En effet, depuis 2007, la fondation créée par Nicholas Negroponte distribue le fameux ordinateur XO aux enfants des pays émergents. D’ici la fin de l’année, 3 millions d’exemplaires de ces appareils auront été distribués.
Sur chacune de ses machines sont préchargés une bonne centaine d’ouvrages, qui peuvent différer de machine en machine. Ces bibliothèques numériques peuvent communiquer entre elles, grâce à des fonctionnalités de partage. Les enfants peuvent aussi prendre des notes sur les ouvrages et les rendre accessibles à leurs camarades. Ainsi, un déploiement de XO va créer ex nihilo une bibliothèque numérique et ouverte que les enfants pourront facilement s’approprier.
L’évidence du support numérique
Car l’enjeu est bien là : il faut faire lire. Chaque XO est attribué à un enfant qui pourra repartir chez lui avec l’appareil, déplaçant ainsi sa bibliothèque, la partageant à volonté. Face à de tels arguments, le livre papier n’a pas grand-chose pour lui. Généralement attaché à un lieu, la bibliothèque, l’enfant ne le possède pas et ne peut que l’emprunter. Ainsi, les externalités sont réduites, les chances de s’approprier le texte sont moindres. Les coûts d’installation et d’entretien d’une collection d’ouvrages papier sont aussi bien plus élevés que son pendant numérique.
D’après les conclusions d’un récent rapport sur l’utilisation du XO en Afghanistan, le coût de la mise en place et de l’entretien d’une bibliothèque pour seulement 3 ans équivaut à déployer des contenus interactifs (avec des mises à jour assurées) accessibles par un lectorat d’une même taille. Vendu 180$ et avec une durée de vie supérieure à 5 ans, le XO apparaît comme étant un support de lecture plus durable que le livre papier.
Lire toujours et encore
Parler de la fin du livre papier ne signifie pas la fin de la lecture. Bien au contraire ! L’accès au savoir et à l’écrit est facilité avec les outils numériques. Mais pourquoi ce type de message manque-t-il de relais en France ? La question du livre numérique est déjà suffisamment polémique, mais aussi, le monde de l’édition n’a pas pour habitude d’écouter des professeurs du MIT. Cependant, ce qui permet sûrement à Nicholas Negroponte de franchir le pas est son non-attachement à l’objet-livre. En effet, dans son ouvrage de référence, Being Digital, le scientifique nous offre la clef pour comprendre sa vision :
Being dyslexic, I don’t like to read. As a child I read train timetables instead of the classics, and delighted in making imaginary perfect connections from one obscure town in Europe to another. This fascination gave me an excellent grasp of European geography.
Étant dyslexique, je n’aime pas lire. Enfant, je lisais les horaires des trains à la place des classiques, et j’adorais imaginer les connexions parfaites liant une obscure ville d’Europe à une autre. Cette fascination m’a donnée une excellente connaissance de la géographie Européenne.
Ainsi, le livre n’est peut-être pas forcément le meilleur outil d’accès à l’information. Est-il plus efficace d’apprendre les distances entre les villes européennes dans un livre de géographie, ou à partir de tables de correspondances ? Clairement, l’âge de l’informatique et du numérique nous fait pencher vers la deuxième option : créer des contenus qui améliorent la compréhension et rendent l’information plus accessible.
Le livre est mort, la lecture renaît. Il est probable que la révolution numérique ne soit pas la plus massive en Occident. Il est même tout à fait envisageable que le succès de l’édition numérique ne vienne pas des pays développés, mais des pays émergents ! Là où les enfants auront accès à la lecture depuis un support numérique, dès leur plus jeune âge. Et si le livre numérique changeait l’ordre mondial ? Une incidence ultime, mais qui tient encore lieu de fiction.
Crédits photos cc FlickR : Troy Holden, robertogreco.
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Article initialement publié sur ebouquin.
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