L’emploi des jeunes: un faux problème?
De nombreux programmes pour endiguer le chômage des jeunes ont échoué. Peut-être parce que les politiques ont une mauvaise approche de la question.
Le chômage des jeunes est sans cesse présenté comme un problème en soi. Pourtant, les multiples solutions proposées par les politiciens ne fonctionnent pas, à moins de mettre tous les jeunes sous les drapeaux ou de les forcer à travailler en fermant lycées et universités.
La diversité des situations nationales et personnelles est telle qu’au fond, faut-il réellement des solutions pour « les jeunes », ou des solutions pour ceux qui ne trouvent pas d’emploi en général ?
“Si vous ne travaillez pas, vous êtes finis”
La construction sociale de la catégorie de jeune éclate au grand jour quand les institutions étatiques s’écroulent. Lors de la chute de l’URSS, toute une génération de 15-25 ans, qui auraient dû étudier à l’université, se sont retrouvés livrés à eux-mêmes. L’alternative était simple : travailler ou crever de faim. Un Kazakh de 23 ans à l’époque raconte, dans un livre de Christopher Robbins :
En ce temps-là , j’achetais des vieilles Lada pour 3 000 roubles, je les conduisais à Balkhash et les échangeais là -bas contre 10 tonnes de lingots de cuivre. Je ramenais le cuivre à Almaty et le revendais à des marchands chinois à la frontière, en cash. 600 kilomètres sur des routes horribles – mais un profit de 300% en une semaine. Alors, oui, il fallait corrompre la police, oui, il fallait lutter contre les brigands. Mais si vous ne le faisiez pas, vous étiez finis.
Un autre moyen radical de faire diminuer le chômage des jeunes : l’armée ! Quand une ou plusieurs classes d’âge sont en treillis, le nombre de chômeurs diminue d’autant. Prenons l’exemple de la France. Avec le service militaire, les jeunes passent 10 mois hors du marché du travail. À tout moment, 8% des 15-24 ans sont sous les drapeaux. Si l’on fait l’hypothèse que le chômage est également distribué à travers cet échantillon, un rétablissement du service militaire ferait baisser de 1.8% le taux de chômage des jeunes.
Cette hypothèse ne tient pas longtemps face aux données. Que ce soit en France ou en Belgique, le ratio chômage des jeunes/chômage total n’augmente pas brusquement en 1995, année où le service a été aboli dans les deux pays.
“Not much seems to work”
Au-delà du travail forcé, les gouvernements des pays riches ont élaborés des solutions plus ou moins heureuses pour s’attaquer au chômage des jeunes. Au Danemark, un programme a été mis en place dans les années 1990 afin de permettre aux jeunes au chômage de reprendre les études. Les deux tiers des jeunes prenant part à cet effort ont été tirés du chômage, mais une étude [pdf, en] explique qu’une bonne partie d’entre eux aurait de toute façon retrouvé un emploi avec le redémarrage de l’économie.
Au Royaume-Uni, un New Deal pour la jeunesse a été mis en place en 1998. Les moins de 24 ans au chômage peuvent demander une aide pour trouver un travail. Ces conseils personnalisés (comment écrire un CV, préparer un entretien etc.) n’ont cependant pas tenu leurs promesses. De 51% de jeunes trouvant un job après être passés par le programme en 1998, on est tombé à 34% en 2005, d’après le think-tank de centre-droit Reform [en].
En France, le programme Défense 2e Chance est montré en exemple. L’Établissement Public d’Insertion de la Défense (EPIDE) voulait intégrer les jeunes en difficulté grâce à un encadrement militaire et des cours en conséquence. Un reportage du Parisien explique par exemple que les cours d’histoire y sont donnés par des vétérans d’Indochine ! Mais le programme, qui devait former 10 000 jeunes par an, est un échec patent. En 2009, il a accueilli moins du quart du chiffre annoncé, avec un taux de succès de moins de 50%.
Au final, comme l’écrit candidement Glenda Quintini dans une présentation de l’OCDE [pdf, en], not much seems to ‘work’. Pas grand-chose ne marche. La meilleure solution reste de mieux former les enfants avant que les écarts ne se creusent, dès la première année à l’école.
Des chiffres pas très NEET
Une focalisation sur les chiffres du chômage rend très mal les problèmes plus généraux auxquels doit faire face la jeunesse mondiale. L’indicateur n’est pas à jeter à la poubelle, mais on s’intéresse très peu aux NEET, qui sont pourtant plus nombreux que les chômeurs. NEET, pour neither in education, employment or training, représente le phénomène Tanguy en France ou les hikikomori au Japon.
Un rapport de l’OCDE [pdf, en] (encore eux !) montre que, chez les femmes, près de 50% d’une classe d’âge peut être NEET. C’est le cas en Turquie, Grèce ou en Hongrie, mais aussi en Allemagne, qui possède un taux de chômage des jeunes parmi les plus bas.
Enfin, le taux de chômage dépend surtout du taux d’activité. En effet, le chômage n’est pas le ratio du nombre de chômeur sur la population totale, mais du nombre de chômeurs par rapport à la population active. Une fois les NEET et les étudiants pris en compte, les situations nationales varient du tout au tout. En Corée du Sud, par exemple, le taux de chômage des jeunes est de 25%, à peu près équivalent à la France. Pourtant, seul 1 jeune sur 50 y est réellement chômeur, contre 1 sur 10 en France.
Une fois ces éléments pris en compte, les chômeurs « jeunes » sont surtout des individus sans diplôme surreprésentés. Le problème ne tient ainsi pas à l’intégration d’une classe d’âge en particulier, mais à la prise en compte des problèmes spécifiques aux élèves en grande difficulté.
Entre les jeux comptables et les solutions inefficaces, les difficultés des jeunes ne sont pas près de se résorber. Travail, mais aussi drogues, socialisation, loisirs… L’incompréhension des politiques face aux modes de vie des générations X, Y et Z reste totale. Les vieux cons devraient écouter les petits cons. Il serait temps.
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