Leçons culturelles au profit de la glorieuse nation France
Le piratage, ennemi du cinéma français ? L'ouvreuse met un coup de savate dans la fourmilière des frères Lumière et de la Culture, juste le temps de les ramener au XXIème siècle et à l'ère internet. #pascocorico
Avril 2009 : en plein débat sur la loi Hadopi et un an après la publication du rapport Ferran, la rédaction de l’ouvreuse.net réagissait dans un article pamphlétaire à l’éditorial du mensuel d’un cinéma art et essai de Nancy, reflet de l’idéologie protectionniste d’une partie de la profession, des exploitants de salles aux producteurs, du Centre National de la Cinématographie (CNC) aux auteurs.
Au-delà des questions propres au cinéma, les huit points abordés dans cet article nous paraissent toujours pertinents, remettant au centre du débat le spectateur-internaute face à l’industrie culturelle et aux enjeux de la neutralité du net et de la diffusion de la culture.
La France est le seul pays de par son système de production, diffusion, réseau d’exploitation à prouver au monde entier que le cinéma « Art » ça existe et que ça forme des spectateurs exigeants, critiques, bref citoyens. Pour ces raisons, il faut bannir le piratage.
Cette minute d’autosatisfaction arrogante à tendance ethnocentrique matinée d’une hâtive conclusion réactionnaire vous est offerte par le cinéma d’art et essai le Caméo de Nancy dans l’éditorial sa publication mensuelle.
En connaisseurs, nous ne pouvons qu’admettre qu’ils savent recevoir le spectateur à Nancy. Une telle accumulation de clichés doit peser sur l’estomac, mais qu’est-ce qu’on doit se sentir exceptionnel, intelligent et beau en se rendant au Caméo.
Il est rassurant de constater qu’à chaque période où la culture se retrouve au centre d’un large enjeu sociétal, tous les acteurs du secteur hurlent dans un même élan à la face des puissants : “Le pouvoir au peuple ! La culture dans la rue !”
Or ceci est ce que nous avancerions si nous possédions l’humour de Christophe Honoré1 . Il faut rapporter hélas une bien plus triste réalité devant tant d’apathie de la sphère créative autour du téléchargement dit illégal : une grande majorité n’a cure de la fonction réelle de la culture.
En effet, lorsqu’on en vient à trouver logique que des artistes insultent leur audience, lorsque des cinéastes préfèrent culpabiliser le public plutôt que remettre en question l’industrie à laquelle ils appartiennent, lorsque le moindre protagoniste du landernau culturel panique à l’idée que la culture soit accessible un peu plus chaque jour au péquin moyen au point d’en fantasmer moult conséquences néfastes (qu’on attend toujours), c’est qu’il doit exister un petit malaise au royaume des Arts.
Dans cet éditorial d’un directeur de cinéma “Art et Essai”, nous retrouvons les éternels réflexes protectionnistes, l’éternel discours abscons reposant exclusivement sur de l’auto-conviction (pour ne pas dire propagande) englobé dans une dangereuse absence de réflexion affranchie des positions officielles du ministère dont on dépend, l’éternelle rhétorique bourgeoise rabâchée mécaniquement quel que soit le sujet du débat, tout cela ne visant qu’un seul et unique but : sauvegarder le dernier privilège de certaines couches sociales : la culture.
Ce papier en provenance de Nancy, un modèle du genre, compile tout ce que l’on peut entendre depuis une demi-douzaine d’années chez les professionnels, des artistes aux producteurs en passant par les metteurs en scène, étudiants, journalistes, directeurs de troupes, directeurs de festivals, tourneurs, auteurs, stagiaires régies, assistants café…
Tentons alors d’en disséquer les rouages en huit points.
1- Refaire l’histoire à sa sauce
Paradoxalement, l’ensemble de la profession cinématographique de l’exploitation estime nécessaire une loi anti-piratage. Rappelons-en les grandes lignes. Plutôt qu’une loi répressive, la profession a opté pour une loi dissuasive, soit avertissement aux internautes contrevenants, c’est-à-dire à ceux qui piratent ; deuxième avertissement ; puis en cas de récidive, fermeture pour un mois du robinet du Net qui alimente leurs ordinateurs. Cette méthode a porté ses fruits aux USA. Elle n’est pas parfaite, mais réduit considérablement (environ 90 %) le piratage.
Etrangement, il nous semblait qu’une loi “anti-piratage” existait déjà, le droit d’auteur qu’on appellerait ça.
Plus étrange : la si bonne profession optait il y a trois ans pour la sévère loi DAVDSI, rendue quasiment inapplicable par le refus de cette même profession de la licence globale2. Versatile, la profession. Ou alors se contente-t-elle de suivre rigoureusement les mesures des gouvernements successifs, quelles qu’elles soient, ne s’accordant que sur un unique thème : restreindre les accès à la culture sur les réseaux ?
Tout aussi étrange, la durée de coupure d’accès au Net, qui passe d’une année maximum à un petit mois, et l’oubli sur la double peine (rappelons que si on télécharge illégalement par le biais de votre adresse IP, on vous coupe Internet mais vous restez passibles de poursuites judiciaires, la loi actuelle ne devenant pas pour autant caduque).
Notons l’usage d’une référence pratique sur l’instant mais encombrante un peu plus loin : les USA, et ce chiffre sorti de nulle part. Que ce soit les States qui servent d’exemple dans ce paragraphe n’en est que plus croustillant lorsqu’on prend connaissance de la suite du raisonnement. Nous y reviendrons plus tard. Passons maintenant à l’axe suivant.
2 – Evoquer les traumas révolutionnaires :
Rappelons qu’en France, le sport national est de transgresser, détourner… et que le nombre annuel de piratages des films est presque égal à celui du nombre de spectateurs dans les salles.
Et ça, la profession, elle n’aime pas beaucoup qu’on transgresse. Hou non. Cette si bonne profession, qui ne peut toujours pas s’émanciper de sa pensée aristocratique, trouve utile et malin de dénigrer le détournement et la transgression pour défendre l’art et la culture. Etonnant !
Les institutions ont donc fini par figer les idées et créer ce monstre immobile que l’on nomme “Cultuuuure”, boursouflé d’égo et aveuglément défendu par une armée de soldats quémandant subventions et reconnaissances officielles comme l’on implorait jadis un titre de noblesse.
Il est ainsi nécessaire de ne jamais bousculer, ne jamais transgresser, quitte à invoquer des maux imaginaires. Car quel peut être le rapport entre le nombre de spectateur en salles et la quantité de films piratés ? La phrase tend ici à sous-entendre que sans le piratage, les exploitants auraient un chiffre d’affaire deux fois plus gros. C’est une façon de voir. Une autre consiste à simplement observer les chiffres des entrées en salles3 :
Et d’en conclure que le piratage participerait bien à l’augmentation quasi-constante de la fréquentation des cinémas depuis dix ans (l’ADSL date de 1999). Mais nous nous trompons peut-être, nous ne sommes pas la profession, donc pour une fois adoptons sa grande sagesse et gardons-nous d’émettre la folle hypothèse que plus les gens se cultivent, plus ils ont envie de se cultiver.
Et surtout, plus que tout, évitons de faire la folle relation suivante : plus la population transgresse, plus elle se cultive. Ce serait pire que croiser les effluves.
3 – Assurer d’agir au nom de l’Art et se dissocier de la masse
Je commençais cet édito par « paradoxalement ». En effet, l’argumentation du secteur commercial et celui du secteur Art et Essai sont différents. Celui des grands circuits est uniquement économique, d’où un manque à gagner et une désertification des salles. Celui des salles Art et Essai est sans doute économique (nécessité d’équilibrer les comptes), mais avant tout culturel et éthique.
Bien sûr. C’est si évident : des spectateurs qui doublent leur consommation de films pendant que les entrées en salles augmentent, ce n’est pas éthique, ce n’est pas culturel.
Non ce qui est éthique, c’est Alain Corneau engueulant depuis le jardin de sa villa le smicard téléchargeant des films. Ce qui est éthique, c’est pleurer dans la presse que le cinéma français se porte mal, qu’il va “mourir”, quand jamais autant de films, et de premiers films d’auteurs (!) ont été produits ces dernières années. Ce qui est éthique, c’est mettre en place une loi liberticide coûtant des millions d’euros au contribuable, avec mouchards et coupure à Internet à la clé, au nom de la défense des Majors. Ce qui est éthique, c’est ignorer purement et simplement les chiffres. Ce qui est éthique, c’est afficher sa méconnaissance de l’histoire de l’art pour mieux protéger un système dont la durée de vie ne pouvait dépasser les quarante ans. Ce qui est éthique, c’est défendre un tel projet de loi en y simulant son rôle (selon le point 1, c’est la profession qui a opté pour Hadopi, alors qu’elle ne fait que suivre et acquiescer les Majors et le gouvernement).
Ce qui est définitivement éthique, c’est cultiver le manichéisme élitiste entre cinéma “commercial” et “d’art et essai” quand le second a la possibilité concrète de se différencier du premier dans les actes mais préfère s’allier au discours confortable des potentats tout en se flattant d’être non-conformiste. Ethique…
4 – Affirmer que le “cinéma commercial” ne vaut même pas la peine d’exister
Le cinéma artistique (celui qui nous intéresse) ne trouve sa pleine dimension, son plein ressenti, sa pleine lecture que dans la salle de cinéma. Il est formateur de sensations justes des spectateurs. Tout autre support est réducteur à 90 % des effets produits dans la tête et le coeur des spectateurs. Tout autre support (et je ne parle ici que des supports légaux) permet simplement de prendre connaissance et non de vibrer, d’avoir des frissons esthétiques et d’intelligence.
Passage intéressant visant à conforter son lectorat dans l’idée que le seul cinéma qui vaille le déplacement est “l’art et essai”. Le cinéma à grand spectacle ne réussirait donc même pas à s’acquitter de sa tâche, à savoir en mettre plein les yeux sur grand écran ? Ben ça alors… Puis un drame de Damien Odoul sur une toile de douze mètres, c’est vrai que tout de suite, c’est autre chose.
Nous retrouvons ainsi cette belle valeur éthique du point 3 qui ne cloisonne pas du tout les genres, qui ne formate absolument jamais les spectateurs, les films et les idées, cette valeur éthique qui prône l’ouverture et met à bas les préjugés et autres combats de clochers, cette valeur éthique qui défend la culture sans jamais ô grand jamais rejeter ce qui n’est pas défini comme “artistique” par une obscure entité suprême, cette valeur éthique qui se garde bien de priver du moindre intérêt culturel ce qui ne rentre pas dans son giron immédiat.
5 – Culpabiliser le citoyen, ne pas critiquer l’Etat ni les institutions
Le piratage permet aux internautes de s’approprier des films avant ou immédiatement après la sortie en salle. C’est un détournement complet de la dimension réelle du film et ce n’est pas ainsi qu’on rendra le spectateur critique et citoyen. C’est purement et simplement un consumérisme qui “bousille” le film et tire le spectateur vers une uniformisation du « voir ».
On revient au piratage, associé maintenant au “consumérisme” (sic). Rappelons qu’au point 2, le piratage n’était que “transgression”. Nous avouons avoir du mal à comprendre comment les deux notions peuvent cohabiter.
Informons tout de même l’auteur de cet éditorial que le piratage permet très, très rarement aux films estampillés “Art et Essai” d’être disponibles en ligne au moment de leur exploitation. A moins que Les Bronzés 3 ou Wolverine ne soient de l’art et de l’essai et qu’on ne nous aurait rien dit.
Informons également l’auteur que la réforme de la chronologie des médias ramenant les fenêtres d’exploitation des films en DVD de six à quatre mois (voire trois) votée au début du mois à l’Assemblée concourt bien plus à détourner “la dimension réelle du film” dans le cas des œuvres artistiques (ou qui essaient de l’être).
Ainsi donc le consumérisme bousille le film, celui-ci devant vivre absolument au cinéma et y mourir de sa belle mort. Sauf quand ce consumérisme est encouragé par le gouvernement.
Si la citoyenneté du spectateur est remise en cause sous un prétexte aussi illogique qu’injuste, pourquoi ce spectateur n’aurait pas le droit en retour de décider quelle est pour lui la meilleure façon de découvrir les films ? Et si la meilleure éducation cinéphile et critique pour le spectateur ne serait pas de mettre un terme aux impostures intellectuelles qui se tournent invariablement vers les mêmes coupables ?
6 – Se réfugier dans l’exception culturelle, faire le coq et dénier la réalité de la plus puissante des manières
Depuis maintenant 50 ans, le cinéma français tient tête au cinéma américain. La France est le seul pays de par son système de production/diffusion/réseau d’exploitation à prouver au monde entier que le cinéma «Art » ça existe et que ça forme des spectateurs exigeants, critiques, bref citoyens. Pour ces raisons, il faut bannir le piratage. Mais aussi pour ne pas arrêter la chaîne de création des auteurs-réalisateurs, il faut bannir le piratage.
Qu’ajouter de plus ? What else? comme dirait l’autre.
Nous y retrouvons le combat manichéen “nous / eux”, le chant de gloire à la Nation triomphante, l’enfermement sur soi qui empêche de constater comment des dizaines d’autres pays fonctionnent bien mieux que l’Hexagone avec différents systèmes, le culte de “l’auteur-réalisateur” qui n’a rien à faire là mais cela fait toujours bien de balancer du champ lexical, l’idée suprêmement conne que l’on sert encore d’exemple et que notre cinéma est respecté de par le monde, concomitant du fantasme absolu à la limite de la xénophobie voulant que seule la France enfante encore de vrais grands films d’Art.
Non, il a tout mis là. C’est un peu bourratif mais on se régale.
Au risque d’en sortir certains de leur transe un peu brusquement, rappelons que les “spectateurs exigeants critiques bref citoyens” formés par la mirifique sphère du cinéma français ont plébiscité l’an dernier Bienvenue Chez Les Ch’tis, Astérix Aux Jeux Olympiques et Disco quand les ignares d’en face consommaient du There Will Be Blood, du Dark Knight et du No Country For Old Men. Sacrée formation dites donc.
De ce déni des réalités devons-nous en déduire l’incohérente évolution entre l’exemple à suivre du point 1 qui devient ici ce système contre lequel on “tient tête depuis 50 ans” ?
Et juste histoire de chipoter, on va signaler au milieu cinéphile français (qui n’a rien à apprendre, mais tentons tout de même) l’existence d’un groupe de réflexion pour qui tout n’est pas aussi rose (d’augustes inconnus n’y entendant rien à la profession), à l’origine d’un livre expliquant clairement comment le système de production français s’est perverti et produit depuis vingt ans l’effet inverse de ce pour quoi il était prévu, proposant de nombreuses et intéressantes pistes à suivre pour relancer l’intérêt du cinéma national sans jamais aborder le cas du piratage.
Car il nous semble que dans les années 80 le cinéma français n’avait pas besoin du téléchargement pour péricliter dangereusement.
7– Proclamer qu’à partir du moment où un objet culturel est solicité par le peuple, cet objet n’appartient plus à la culture
Il faut savoir choisir : donner le goût du vrai cinéma dans les salles de cinéma aux jeunes générations, ou au nom d’une prétendue égalité à la culture (culture qui ici n’en est plus une, ainsi que nous l’écrivions ci-avant), ouvrir tout grand le robinet du Net et légaliser la médiocrité, le consumérisme du n’importe quoi, n’importe comment.
Oui, il faut savoir choisir : continuer d’espérer que des générations n’ayant jamais mis les pieds dans un cinéma d’art et d’essai finissent par s’y précipiter par on ne sait quel miracle (ha oui, c’est vrai, en leur coupant Internet, ils seront d’humeur), ou saisir l’opportunité du téléchargement pour ouvrir les publics à des horizons qu’ils n’auraient jamais fréquentés autrement.
L’élitisme est l’ultime ornement dont se parent les imbéciles descendants de monsieur Jourdain. Donc ne nous leurrons pas, le devenir culturel de la population n’est pas le fond du débat. Il ne l’a jamais été, on l’a vu. Le véritable enjeu est la nature sociologique de la culture dès lors qu’elle coule littéralement dans les foyers sans que l’on puisse en contrôler la nature et le débit. Pour certains, cela la gâte et la transforme en “consumérisme”, en “médiocrité” : évidemment, cette culture “contaminée” ne peut plus leur servir d’apparat, il faut la jeter, la brûler. A ces alchimistes de pacotille baignant dans la culture, on serait tenté de rétorquer qu’ils sont les plus parlants exemples de ces mutations redoutées.
Mais on préférera leur répondre que lorsqu’on défend une culture contrôlée et distillée au compte-goutte par les officiels en dépit d’une culture libre, mouvante, désordonnée et illimitée, il est grandement temps d’ouvrir les livres d’Histoire.
8– Reporter ses responsabilités d’acteur du milieu culturel sur la classe politique
Nos députés ont la lourde et sérieuse tâche du choix. Subir la technique du net et du vol légalisé et abandonner tout objectif culturel ou en encadrer le fonctionnement au travers d’une loi anti-piratage dissuasive. Il y va de la dimension artistique du cinéma. C’est un véritable enjeu de société : avaliser les méfaits produits par la technique du net, et en faire subir définitivement les effets dévastateurs sur le citoyen spectateur ou encadrer la technique, donc respecter les oeuvres.
On peut choisir de respecter le spectateur aussi. Ce n’est pas incompatible.
Mais on l’a vu, pour en arriver à ce genre de conclusion il y a huit torsions cérébrales à effectuer auparavant.
Toujours les premiers à donner des leçons, toujours les premiers à se laver les mains des conséquences de leurs désirs, ainsi agissent les apôtres de la profession : “Vous comprenez, messieurs les députés, les citoyens ne respectent plus le cinéma, mais ce n’est pas parce que nous avons produit et vendu des films comme on produit et vante des paquets de lessive ; les citoyens n’ont plus de sens critique, mais ce n’est pas parce que le milieu, des écoles aux rédactions en passant par les comités, met tout en œuvre pour annihiler les moindres velléités critiques personnelles : non, c’est tout à cause du piratage.”
La profession ? Elle est blanche comme neige. Vierge de tout défaut. Elle est, nous pouvons le dire, un excellent produit.
Ces huit points rhétoriques façonnent la pensée d’une large partie des acteurs du monde de la culture et du spectacle. Les raisons sont autant historiques, sociologiques et structurelles que bassement idéologiques.
Par expérience, nous savons que beaucoup vont réfuter cela et n’y voir qu’un simple exemple parmi tant d’autres de discours maladroit. Soit. Ce qui conforte l’idée que nous sommes véritablement un peuple bien sympathique pour se laisser aussi souvent insulter dans ce qui ressemble trop à une parodie de films populaires des années 60.
Donc pour nous quitter, voici un petit éditorial tout chaud qui ne révèle évidemment absolument rien de la mentalité des élites culturelles qui nous gouvernent :
Drôle de victoire ! Vingt et un députés socialistes se congratulant après le rejet de la loi internet ! Ils ne réalisent donc pas qu’en défendant le piratage ils se font les avocats du capitalisme sauvage…
Libertaire, le piratage ? Un espace d’échange libre et non marchand ? La vérité, c’est qu’il est libéral. Et même ultralibéral. C’est le sacre de la déréglementation. Des multinationales des télécommunications, pourtant riches à milliards, pillent les catalogues de cinéma et de musique pour stimuler la vente de leurs abonnements internet. Sans payer les artistes ! La «subvention » accordée bien involontairement par le cinéma et la musique aux fournisseurs d’accès représenterait plus de 500 millions d’euros par an ! Or voici la gauche en tête de la croisade pour défendre la liberté du renard télécoms dans le poulailler du cinéma et de la musique. Absurde ! C’est la gauche, avec Léon Blum en 1946, qui a inventé «l’exception culturelle». C’était le refus de livrer les biens culturels aux seules lois du marché.
La sauvegarde de la création et de la diversité artistique est à ce prix. C’est Malraux puis Lang qui ont fortifié cet édifice sans exemple dans le monde. Voilà pourquoi nous sommes le seul pays, en dehors des Etats-Unis, à avoir une musique et un cinéma vivants. Et c’est la gauche qui propose de faire sauter la digue ? «Entre le faible et le fort, c’est la liberté qui opprime et la loi qui protège», disait Lacordaire. Etrange situation française, où la gauche défend la liberté qui opprime et Nicolas Sarkozy, la loi qui protège.Denis Olivennes – Le Nouvel Observateur n° 23194
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Article publié initialement sur le site l’ouvreuse.net, sous le titre : Leçons culturelles au profit glorieuse nation France
Crédits photo : pour OSS117 le press kit Unifrance ; Sur flickr en licence CC phill.d
- ndlr : l’auteur fait référence à un précédent article dans lequel il tacle Christophe Honoré sur sa critique de Starship Troopers publiée dans la Cahiers du Cinéma [↩]
- Quelle surprise, le site lestelechargements.com est fermé… On ne peut plus entendre Marc Lavoine nous prédire 400 000 chômeurs dans le spectacle d’ici cinq ans (c’est-à-dire vers 2011). [↩]
- source : cineclub de Caen. [↩]
- Denis Olivennes est l’auteur du rapport à l’origine du projet de loi “Hadopi – Création et Internet” – Sont soulignés les passages se rapportant à un des huit points développés plus haut [↩]
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