Electricité: calmer le jeu de l’augmentations des factures
Suite à la dérégulation du marché de l'électricité en France avec l'ouverture à la concurrence, le prix de l'électricité reste des plus opaques. Flottant ou fixe, ébauche d'une solution.
L’évolution du prix de l’électricité pose problème. Le souci reste de comprendre ses enjeux voire plus largement établir une meilleure perspective autant normative que positive, soit comprendre le marché dans son état actuel et percevoir le marché comme il devrait être.
En France le sujet est davantage complexe. Outre être « l’initiateur » d’une « dérégulation » du marché à l’échelle européenne, la France dispose d’un parc nucléaire tel que la production d’énergie fossile ne représente que 10% de l’électricité, là où la moyenne en Union Européenne approche les 60%. On peut alors se demander si cette caractéristique est positive ou négative pour le pays. Au premier abord on avancerait qu’il s’agit ici d’un avantage. L’énergie fossile augmente fortement ces dernières années, aussi disposer d’un parc nucléaire doit permettre de s’affranchir de la hausse des prix. Or au second abord on constate qu’il n’en est rien : la France souffre autant de l’évolution des prix que ses voisins ou autres membres de l’UE.
Ouvrir le marché aux particuliers et aux entreprises, et après?
Il devient nécessaire de revenir à la source du problème. Le passage d’un monopole public à un marché dérèglementé et concurrentiel est-il effectif ? Est-ce une possibilité ou un rêve avorté ? Pour rendre plus efficace la satisfaction de la demande, doit-on libéraliser les prix ? Davantage réguler ? Inciter à la concurrence ? De manière très large, faut-il privatiser ou nationaliser ?
Depuis les années 2000 l’électricité est au cœur de nombreux débats économiques mais surtout politiques. La loi du 10 février 2000 introduit de nouveaux producteurs, un marché de gros et une Bourse (PowerNext). Le Réseau de Transfert de l’Electricité (RTE) devient une filiale autonome d’EDF tandis que le prix de l’électricité établit une dérégulation pour les consommateurs professionnels puis tôt après pour l’ensemble des entreprises françaises (marché de détail en 2004).
En 2007, les consommateurs domestiques peuvent avoir recours au marché libre avec la possibilité temporaire (loi datant de 2006) de revenir sur des tarifs régulés mais majorés, notamment si le consommateur concerné a une forte élasticité à la hausse des prix sur le marché libre. La dernière avancée de l’électricité française est enfin la privatisation dite partielle de EDF à hauteur de 13%. Alors pourquoi est-ce si compliqué ? Ces réformes ne sont pas inutiles mais doivent faire face à une particularité du secteur de l’électricité : la production résulte d’une trop forte concentration.
En outre EDF produit à elle seule 90% de l’offre. On aurait alors pu laisser tomber le principe de subsidiarité et revenir à l’échelle de l’UE. Ce fût déjà le cas, dès les premières réformes dans les années 2000 puisque en 2001 EDF doit offrir une production nucléaire à durée limitée à un prix proche au coût marginal. C’est ce qu’on appelle une « cession de centrales nucléaires virtuelles » par enchères. Grosso Modo il s’agit d’une location des capacités de production pour les pays membres de l’UE ne pouvant supporter les charges fixes nécessaires. De là une nouvelle question : le secteur de l’électricité est-il toujours établi sur des coûts fixes élevés ?
Le secteur de l’électricité n’est pas toujours établi sur des coûts fixes élevés. La nuance à apporter dépend de la demande. Si celle-ci est temporaire et très importante, une structure à fort coût marginal mais faible coût fixe (toute proportion gardée) devra être privilégiée. En revanche pour une demande fluctuante les coûts fixes seront plus importantes tandis que les coûts marginaux plus faibles. Les coûts dépendent de l’adaptation de l’offre à la demande. En outre le prix de l’électricité ne dépend pas plus de l’offre ou de la structure technologique que de sa propre demande.
Un second facteur non négligeable est l’impact sur l’environnement. Les contraintes légales (normes mais surtout permis de pollution) soumettent de nouvelles contraintes au choix technologique comme par exemple la taxation sur le gaz à effet de serre.
Ces deux indicateurs doivent permettre de définir un parc nucléaire optimal, autrement dit la structure la plus efficace voire la plus efficiente possible. Il faudra dès lors tenir rigueur de la demande intérieure et extérieure et des capacités d’interconnexion avec les autres pays. Généralement la structure des parcs nucléaires français sont pourvus de coûts fixes élevés ce qui rend compétitif ce secteur de l’économie.
Le Rapport sur les prix de l’électricité du Conseil général des Mines et inspection des Finances (2004) montre que, tant que la durée d’utilisation des capacités de production reste supérieure à 57%, le coût moyen du parc de production français rend préférable la technologie du nucléaire puisque moins coûteux que ses alternatives de semi-base ou de pointes (centrales à charbon, cycles combinés au gaz, turbines à combustion au gaz, combustion au fioul).
La solution? Un prix flottant moins sensible à la demande
Mais alors quel prix fixé, et surtout doit-on le fixer ? Pas forcement. Un premier constat est que l’électricité par le nucléaire est un premier recours avec les technologies de semi-base, c’est-à -dire que si la demande excède l’offre provenant des méthodes nucléaires, alors on a recours aux technologies de semi-base. Si cette dernière possibilité ne permet pas de satisfaire la demande donnée alors on a recours aux technologies de pointe mais le prix sera beaucoup plus élevé qu’auparavant.
On en conclu donc qu’en marché concurrentiel le prix peut être établi de telle sorte qu’il soit égal au coût marginal. Si le prix est inférieur au coût marginal, alors il n’y a pas d’incitation à offrir. Si le prix est supérieur au coût marginal, l’offre deviendrait rapidement supérieure à la demande, aussi un prix proche du coût marginal est la solution la plus profitable pour chaque partie. Donc tout repose sur la substitution d’une technologie à une autre. Les coûts fixes importants du nucléaire doivent permettre des coûts marginaux plus faibles et donc des prix moins élastiques aux variations de la demande.
En revanche les technologies de pointes sont pourvues de coûts marginaux très importants de telle sorte qu’une pénurie trop importante de l’offre engendrera inexorablement une forte hausse des prix (de l’ordre de 7 à 30 euros par MW/h). Le niveau de l’offre dépendra forcement du nombre de concurrents résultant de la longévité de la période de marginalité du marché nucléaire notamment. L’un des principaux obstacles reste le risque associé à l’investissement privé dans une structure de production comme le nucléaire. De nombreux mécanismes d’incitations doivent être mis en place pour qu’un marché se rapproche au mieux d’une situation de concurrence pure et parfaite.
Billet initialement publié sur Peripolis sous le titre Quel prix pour l’électricité?.
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