La Science de la Cour
L'exposition « Sciences & Curiosités à la Cour de Versailles » au château de Versailles nous donne l'occasion de voyager dans la science du XIIe et du XVIIIe siècle.
Férue d’histoire des sciences, c’est tout naturellement que je suis allée visiter l’exposition que propose le Château de Versailles jusqu’au 27 février prochain : « Sciences & Curiosités à la Cour de Versailles ». Avec ce voyage dans le temps, j’espérais découvrir des objets historiques, bien sûr, mais aussi des explications plus larges sur la science à cette époque.
À mon entrée dans le Château, un rhinocéros1 me fait un accueil des plus chaleureux. Assisté par ses deux petits compagnons exotiques à plumes, il m’invite à monter de grands escaliers cosy à la lumière tamisée. S’ensuit une salle avec un écran disposé à 360°2 nous présentant les divers lieux de sciences à Versailles allant du petit Trianon aux jardins. Au plafond, un gigantesque globe céleste3 .
Après cette mise en bouche, j’entre dans l’exposition proprement dite. J’y apprends que la science n’était pas oubliée en ces temps de monarchie (la période présentée par l’exposition s’étend de 1682 à 1789). Les rois semblent même passionnés par les disciplines scientifiques. Ils invitent des savants et assistent à leurs démonstrations. De manière plus pragmatique, ils mettront les sciences au service des grands dessins de l’Etat. En témoigne la naissance en 1666 de l’Académie des sciences et de l’Observatoire de Paris.
L’astronomie est d’ailleurs très prisée pour la navigation et la cartographie devient un des objectifs prioritaires pour les rois, qui s’essayeront parfois même à dessiner les cartes.
J’ai la chance de pouvoir contempler de nombreux tableaux (comme l’Allégorie du Nouveau Monde) et des ouvrages de sciences dont la fameuse Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, interdite pendant un temps pour ses propos anti-religieux.
Une information, parmi tant d’autres, que j’apprends grâce à un guide, que je ne peux que vous conseiller chaleureusement, les explications étant peu nombreuses sur les cartels. Une faiblesse compensée par une très belle scénographie, simple et claire. On se balade dans de petites salles plutôt sombres, ce qui permet de développer une certaine intimité avec les objets exposés – et avec les autres visiteurs aussi, si vous venez en heures d’affluence.
Les conservateurs de l’exposition ont également fait la part belle aux diverses machines et machineries. L’alimentation en eau constituait un défi important pour l’époque, d’autant plus dans ce lieu parsemé de fontaines. Quelle ingéniosité déployée en ce 17ème siècle ! La machine de Marly, située en bord de Seine, met en œuvre des techniques bien connues mais dans des proportions gigantesques. Un aqueduc sera même construit, uniquement pour le prestige de la Cour.
Au fil de ma visite, je passe dans diverses salles (voir le plan) ou voisinent la zoologie, la botanique et la médecine. Versailles était un vrai laboratoire grandeur nature où la pomme de terre devient un complot d’Etat et l’opération de la fistule sans anesthésie une mode.
Dans les ultimes salles, une collection impressionnante de merveilleux objets exclusifs où sciences et esthétique se mêlent et s’entremêlent sans distinction : des petits planétariums, des globes terrestres et célestes tournant sur eux-mêmes grâce à des mécanismes d’une finesse incomparable, la fameuse pendule astronomique4 conçue pour fonctionner 9 999 ans…
Lors d’une conférence le 6 janvier dernier au Musée des Arts et Métiers, on a notamment appris que Catherine Arminjon, conservateur général du patrimoine et commissaire de l’exposition a bataillé ferme depuis 2007 pour obtenir ces objets. 15 d’entre eux proviennent du Musée des Arts et Métiers (8 exposés et 7 des réserves).
C’est sur la pendule de la Création du monde, véritable œuvre d’art et de mécanique conçue par Passemant que je termine mon voyage dans le temps.
La vue de ces objets me laisse quelques paillettes d’or dans les yeux, mais je regrette en revanche le manque d’explications et de références scientifiques. Des informations historiques sur chaque objet présenté auraient également pu être utiles. En bref, une exposition qui donne envie d’approfondir le sujet.
>> Pour aller plus loin : le Château de Versailles dispose d’un centre de recherche qui aborde notamment les relations entre sciences et pouvoir dans les cours européennes.
>> Article publié initialement sur le blog de Knowtex sous le titre Nobles sciences au château
>> Photo FlickR CC : Gilderic
- Ce rhinocéros acquis par louis XV en 1770 a fait un long trajet depuis l’Inde avant d’arriver à Versailles. Après 22 ans de « service » dans la ménagerie, il sera tué d’un coup de sabre par un révolutionnaire en 1793 et sera naturalisé au Muséum national d’histoire naturelle où il est toujours conservé. [↩]
- Une grande importance est accordée au numérique dans le Château depuis plusieurs années, comme en témoigne le site internet Grand Versailles Numérique [↩]
- Reproduction du globe céleste de Coronelli, symbole d’une science au service du pouvoir puisqu’il présente l’état du ciel au moment de la naissance de Louis XIV. [↩]
- Inventée par l’ingénieur Claude-Siméon Passemant (20 ans de conception), sa réalisation nécessitera 12 ans à l’horloger Louis Dauthiau pour le mécanisme et 4 ans aux sculpteurs et bronziers Jacques et Philippe II Caffiéri pour la boîte. [↩]
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