Quand les abris anti-atomiques étaient en vogue
À partir des années 1950 aux États-Unis, il fallait, en plus du jacuzzi, un abri anti-atomique. La guerre, froide et nucléaire, pouvait s'abattre sur l'Amérique à tout instant, depuis La Havane ou Moscou. Histoire en images.
Les armes nucléaires et la possibilité d’une telle guerre sont des faits que l’on ne peut ignorer aujourd’hui. Vous pouvez déjà mettre en place beaucoup de choses pour vous protéger, et par là même, rendre plus forte, la nation américaine. Je vous encourage vivement à lire avec attention cette édition de LIFE magazine. La sécurité de notre pays et la paix dans le monde sont les objectifs de notre politique. Notre capacité et notre volonté de survie sont essentielles.
[Le Président Kennedy aux lecteurs de LIFE Magazine, 15 sept. 1961]
Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et jusqu’à la fin de la guerre froide, l’administration américaine a éduqué ses citoyens sur les moyens à mettre en Å“uvre pour se protéger d’une attaque nucléaire. La plupart des pays de l’OTAN faisaient de même, notamment le Royaume-Uni ou l’Allemagne1, tant la peur d’une guerre nucléaire était vivace.
Les publications officielles sont nombreuses, avec de jolis champignons atomiques en couverture, comme celle, impressionnante, de la revue gouvernementale, How to survive a nuclear attack, publiée par le gouvernement américain en 1950, juste après le premier essai nucléaire russe2.
Les retombées radioactives (fallout) sont nocives pour la santé et souvent invisibles à l’œil nu. Un abri anti-atomique, collectif ou individuel, permet donc de se protéger pendant une durée variable, de deux semaines à un an, en fonction de son type de construction et du type de danger (retombées ou explosion nucléaires). Les citoyens sont encouragés à construire leur propre abri anti-atomique, les grandes villes privilégiant les abris collectifs.
La Shelter Mania
En août 1961, un an avant la crise des missiles de Cuba, le Président Kennedy décide de confier au Secrétaire de la Défense Robert McNamara, la mise en place d’un programme fédéral de défense civile afin d’informer et de protéger les citoyens en cas de guerre ou d’attaque nucléaire. S’en suivront une série de brochures officielles, dont la “Fallout Protection” publiée en 1961.3
Le message est clair : une guerre nucléaire est imminente, construisez des abris anti-atomiques, protégez votre famille et la nation américaine. Des dossiers sont publiés dans la presse, des guides Do It Yourself (D.I.Y) pullulent, des publicités commerciales proposent même la construction de ces abris en mode “discount”. Dans un numéro du magazine LIFE, JKF s’adresse directement aux lecteurs (voir les photos). La Shelter Mania est lancée.
La culture populaire s’empare de ce thème : Stanley Kubrick sort en 1964, son film satirique, Docteur Folamour ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe4, citons la série The Twilight Zone, certains James Bond, La Planète de Singes (1968), ou plus proche de nous, le comics Watchmen (1986), etc.
Le danger vient du Nevada
Les américains ont pourtant été plus touchés par les essais nucléaires effectués sur leur sol que par n’importe quelle (hypothétique) bombe A. L’Institut national du cancer américain a publié en 1997 une étude sur la contamination de ses populations par l’iode 131 suite aux multiples expérimentations nucléaires effectuées dans le désert du Nevada à partir des années 50. Conséquence : des dizaines de milliers de cancers de la thyroïde et la création d’un fonds de soutien au irradiés en 1990.
Quand les gens sont face à des situations terrifiantes, ils sont capables de prendre des précautions inimaginables, même si la menace perçue ne se réalise jamais.5
Et le business ne s’arrête jamais. Depuis la guerre “contre le terrorisme” chère à l’administration Bush, et après le tremblement de terre japonais et l’accident de la centrale de Fukushima, l’abri anti-atomique reste un must. La compagnie Bomb Shelter vante ses 31 ans d’expérience dans la protection des “meilleurs et des plus intelligents” (sic)6, Rich et Annie du site Survival Ring proposent des méthodes D.I.Y et des pdf par douzaine à télécharger gratuitement sur le sujet. Le magazine Popular Mechanics listait en 2009 les six abris anti-bombardements “strong and chic“ dans lesquels investir… Certains se préparent déjà pour une troisième guerre mondiale.
Et maintenant, place aux images /-)
Sources illustrations : Un Regard Moderne ; X-Ray Delta One via Flickr [cc-by ; cc-by-nc-sa] ; Wikipedia et Wikimedia Commons [cc-by ; Domaine Public]
La lettre de Kennedy aux lecteurs de Time Magazine :
- ndlr : adhésion de la RFA le 6 mai 1955 [↩]
- la bombe RDS-1, testée le 19 août 1949, http://nuclearweaponarchive.org/Russia/Sovwpnprog.html [↩]
- Brochure Fallout Protection, lien en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Fallout_Protection [↩]
- ndlr : le titre original est Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb [↩]
- When people are faced with frightening situations, they will take amazing precautions — even if the perceived threat never happens. Source : Nebraska Studies. [↩]
- …our 31-year history protecting the best and the brightest… [↩]
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