#PublicidadOficial révèle la corruption du gouvernement Calderon

Le 11 avril 2011

Le gouvernement mexicain pénalise une fois encore le magazine Proceso pour sa position éditoriale critique et la révélation d’affaires de corruption. En réponse, Proceso a publié des données sur la façon dont le gouvernement dépense l’argent des contribuables en communication.

Article publié initialement sur Owni.eu, sous le titre “#PublicidadOficial campaign exposes corruption in Calderon’s government”

[Liens en anglais, seuls les liens en espagnol ont été signalés] En avril 1982, le président de l’époque, José López Portillo ordonnait à toutes les agences gouvernementales du Mexique d’annuler leurs contrats de publicité avec Proceso Magazine. Il était de notoriété publique que López Portillo dirigeait l’un des gouvernement les plus corrompus du monde à ce moment là, mais cela le fatiguait de voir que les journalistes de Proceso le rappelaient constamment. Sans le soutien financier du gouvernement avec la publicité, Proceso a été forcé d’annuler le récent service de syndication, qui fournissait du contenu à plus de 50 journaux à travers le pays.

Le mois suivant, López Portillo répondait à un éditorial qui critiquait sa décision d’interdire la publicité gouvernementale dans Proceso et d’autre médias de l’opposition. Sa réponse est légendaire :

Je ne les paie pas pour qu’ils me frappent.1

Trente ans plus tard, Proceso est pénalisé par le gouvernement, une fois encore, pour sa ligne éditoriale critique envers le gouvernement. En septembre 2007, le magazine proclamait que le Président Calderon utilisait la publicité gouvernementale comme un mécanisme de soutien aux médias qui le soutiennent, et comme moyen de punir ceux qui étaient contre lui.
En 2008, Proceso a publié un peu plus de cinq pages de publicité officielle [es], Emeequis [es] 75,5 pages et Milenio Semanal [es] 11,83 pages

La réponse légendaire de López Portillo rend transparent ce lien direct entre la publicité officielle gouvernementale et la liberté d’expression. Cette phrase est devenu un appel de ralliement pour une nouvelle campagne [es], visant à rendre plus transparente la manière dont le gouvernement dépense l’argent des contribuables en communication et publicité.

Cette campagne est le résultat de plusieurs mois d’enquête par Fundar [es] et Artículo [es]. Les deux organisations ont fait un nombre conséquent de requêtes pour accéder aux informations sur les dépenses au niveau fédéral et étatique du gouvernement concernant les relations presse et la communication.

Ils ont uploadé la totalité de la base de données sur un nouveau site public où les utilisateurs peuvent voir les dépenses de chaque agence gouvernementale de 2005 à 2010. Malheureusement, cette base de données, construite à partir de DataTables, ne permet pas aux utilisateurs de faire des comparaisons sur plusieurs années et agences différentes dans un même tableur mais on trouverait également un budget détaillé des dépenses par an et par type de média sur Google Public Data Explorer avec une timeline assez pratique. De même, un budget détaillé par an et par type de média est disponible sur Google Fusion Tables2

Mais cette campagne va au-delà de la visualisation de la façon le gouvernement dépense l’argent des contribuables en publicité et en média. Elle inspire un débat majeur sur le rôle et les droits du gouvernement en terme de communication, dans une époque où la survie et l’autonomie du journalisme est plus fragile qu’elle ne l’a jamais été dans les cinquante dernières années. Afin de faire décoller la discussion, Fundar et Artículo 19 ont organisé une conférence de presse et un débat à l’université de la communication [es] de Mexico City.

Le directeur exécutif de Fundar, Miguel Pulido [es] a lancé le débat en mettant les pieds dans le plat. En se tournant d’abord vers le directeur d’Emeequis Ignacio Ramirez Renya, Pulido a posé la question suivante :

Est ce qu’un média mexicain indépendant peut survivre sans la publicité gouvernementale ?

Ramirez a évité la question, ou, pour être plus précis, il l’a changée :

La vrai question, a-t-il répondu, est de savoir si un média indépendant a le droit d’accepter de la publicité en provenance du gouvernement, et je pense que oui.

Pour poser un peu le contexte pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec le paysage médiatique mexicain, Emeequis est, à mon avis, le meilleur magazine de news et d’évènement du pays. Avec Gato Pardo [es], ce sont les deux plus proches des américains Atlantic Monthly ou Harpers. L’écriture est vivante, les sujets sérieux, et le design éditorial est bluffant.

Et, comme tout le monde le sait, Emeequis ne serait plus de ce monde depuis longtemps, sans l’apport financier du gouvernement à travers la publicité. Jetez un coup d’œil aux banners directory - pratiquement toutes leurs annonces online viennent d’agences gouvernementales. En d’autres termes, les contribuables subventionnent le travail journalistique d’Emeequis en finançant la publicité des agences gouvernementales comme le Conseil national de prévention de la discrimination (CONAPRED, es). Tout cela est bien. En fait, c’est l’essence de la communication de développement. Les Mexicains devraient être au fait des activités de leur agences gouvernementales et dans ce cas, soutenir le journalisme d’enquête de qualité, pour le meilleur.

Un graph de l’argent budgété et dépensé sur la publicité fédérale et les relations presse de 2055 à 2010. Les montants budgétés sont en bleu, les montants dépensés en rouge.

Ce n’est pas le type de “publicité officielle” que Fundar et Artículo 19 critiquent. Mais ils sont contre ce que Géraldine Juárez a appelé “spotisization of democracy” [es]. Ce terme signifie pour elle une réalité parallèle et bien lisse, projetée par le gouvernement et produite par des coûts élevés en RP et agences de communication.

Vous entrez dans cette réalité alternative faite de publicité pour de la bière à chaque fois que vous ouvrez un journal ou un magazine, à chaque fois que vous visitez un cinéma, à chaque fois que vous allumez votre télévision ou votre radio.

Et c’est constamment présent : le gouvernement vous dit : “Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, les choses vont s’arranger” , même si c’est clair que non. Le directeur exécutif de Fundar, Miguel Pulido le présente de cette manière en un tweet sarcastique :

J’ai fait un cauchemar. J’ai rêvé que nous vivions tous des vies heureuses, avec un accès à la sécurité sociale et à un vaste choix d’emplois. Je vivais dans une publicité du gouvernement.

Par exemple :

Plus les mois passent, plus les mexicains pensent que leur gouvernement a échoué dans sa guerre contre la drogue. La réponse du Président Calderon s’est traduite par toujours plus d’augmentation des dépenses de l’argent des contribuables pour financer une campagne médiatique visant à les convaincre… du contraire. Non seulement les contribuables mexicains participent au financement d’une guerre très coûteuse contre les trafiquants de drogue qui donne peu de résultats sinon des morts et des déplacements de population. Ils financent aussi cette habile campagne médiatique. Par exemple :

Enfin, il existe une autre préoccupation, particulièrement en ce moment, à un an des élections fédérales. Les politiciens en exercice utilisent la publicité gouvernementale régulièrement comme déclencheur de campagne des années avant que la saison électorale n’ait officiellement commencé. La cas le plus emblématique est celui de la campagne électorale du gouverneur de Mexico et potentiel présidentiel, Enrique Peña Nieto , dont la communication a totalement été financée par les Mexicains. Il avait engagé l’actrice Lucero Hogaza León pour jouer dans une série de spot TV qui faisait l’éloge de ses exploits. Mais pire encore, ce clip, qui fait clairement partie de la campagne présidentielle, est maquillé comme une simple pub gouvernementale censée informer les citoyens :

Cette manipulation éhontée de l’appareil de communication étatique pour les besoin personnels d’une campagne électorale a inspiré au sénateur Pablo Gómez une nouvelle loi qui interdirait l’utilisation de la com étatique pour sa propagande personnelle et politique [es]. Je dois encore revoir cette proposition en profondeur mais cela pourrait être un objectif concret de la campagne derrière lequel se rallier avant la fin de la prochaine saison électorale.

Pour l’instant, la #PublicidadOficial de la campagne demande aux Mexicains comment ils voudraient que les 18 milliards de pesos que l’administration Calderon a dépensé jusque là en communication soient utilisés :

Por la Educación [es], un groupement d’ONG et d’associations promouvant une meilleure éducation au Mexique, dit qu’elle construirait 18.834 écoles publiques :


Article publié initialement sur le blog de David Saski

Crédits photo via Flickr oso

  1. No pago para que me peguen. []
  2. notez que le gouvernement n’a pas de catégorie pour la publicité sur le web malgré un présence significative sur des sites web tels que Emeequis et La Silla Rota. []

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