Facebook vs Twitter : Le Grand Combat du graphe social

Le 17 avril 2011

Les géants Facebook et Twitter ont inauguré l'ère du graphe social. Genaro Bardy nous livre son analyse du phénomène et ses conséquences pour les usages futurs.

Depuis l’émergence des premiers réseaux sociaux, – personnellement je me souviens de la claque prise la première fois que je visitais les réseaux Friendster et Copainsdavant- les concurrents ne se sont jamais vraiment affrontés de manière évidente. On a plutôt assisté à une grande transhumance à chaque émergence d’un réseau plus performant que ses prédécesseurs.

Et finalement seuls deux réseaux ont réussi à mes yeux à retenir les utilisateurs plus longtemps qu’une simple inscription : Facebook et Twitter. Ma mince expérience d’observateur m’amène à penser que cet exode est terminé. Plus personne ne remplacera Facebook pour le réseau social grand public, plus personne ne remplacera Twitter pour les utilisations expertes et les personnes publiques.

Le graphe social, enjeu pour les nouveaux usages

Le graphe social est un enjeu crucial pour les services web et pour les entreprises ou marques qui souhaitent entrer de plein pied dans les deux prochains enjeux qui se dressent devant nous pour la prochaine décennie du web : la mobilité et la personnalisation passive ou automatique.

Ces deux enjeux ne correspondent pas à une lubie technologique, mais répondent à un besoin, à des usages.

Quel est mon besoin ?

  • je veux un restaurant japonais à moins de deux rues sans être devant mon ordi, et si personne de mes amis ne me le recommande, je veux connaître une notation fiable.
  • je veux acheter une place de ciné depuis une terrasse de café et lancer un téléchargement chez moi et décider après.
  • je veux lire les trois nouveaux livres qui m’intéresseront à coup sûr.
  • je souhaite dire à mes amis ce que je fais de manière passive pour qu’ils puissent me rejoindre de manière active, s’ils le souhaitent, si l’envie est là.
  • à un événement professionnel, je veux savoir quelles sont les personnes présentes qui m’intéressent, ce qu’elles lisent, ce qu’elles pensent;

Reprenez tous les process technologiques tacitement reconnus dans ces volontés, et vous en trouverez beaucoup, ils dépendront tous de deux critères essentiels : là où je suis et donc de l’écran que j’ai devant moi d’une part et les informations que j’ai accepté de donner au système pour que la réponse soit automatisée d’autre part. En d’autres termes: le graphe social.

Facebook pour les curieux, Twitter pour les experts

En jouant sur la corde curieuse et voyeuriste des habitants d’un campus, Facebook a réussi à se rendre addictif et à récupérer les informations personnelles de… tout le monde.

En misant sur la simplicité et la diffusion publique, Twitter a réussi à être indispensable pour ceux qui veulent aller vite ou qui souhaitent être transparents.

Les informations que nous donnons à ces deux réseaux constituent maintenant, avec la position dominante qu’ils occupent, l’alpha et l’omega du graphe social. A Facebook mon âge, mes amis, ma famille, mes intérêts, mes photos. A Twitter ce que je partage, publie, les personnes que j’aime suivre sans être leur ami. Et aux deux: ma position géographique.

L’identité numérique n’a plus besoin d’autres données

En terme d’identité, on peut considérer un troisième acteur, Google, qui a réussi à être adopté grâce à des services innovants du web du début du 21ème siècle – Gmail, Reader, Maps et beaucoup d’autres.

Mais je n’irai pas chez Google pour inter-agir. J’irai pour produire.

Google est un service, qui joue sur sa rapidité. Aussi rapide soit-il, il ne rivalisera jamais avec une automatisation personnalisée et adaptée en fonction de mon graphe social. A quoi servira-t-il d’avoir des informations sociales sur Google (+1) quand la recherche ne sera pas pertinente pour mon besoin ?

Pour ceux qui ont un smartphone, combien de fois utilisez-vous un moteur de recherche par rapport à des applications ?

Facebook contre Twitter, le grand combat du graphe social

Les applications qui répondent aux nouveaux besoins doivent avoir accès à votre graphe social pour que vous ayez besoin d’elles. Elles iront chercher ce graphe social chez Facebook et Twitter.
Regardez les applications qui explosent, notamment sur iOS comme Instagram ou GroupMe, elles automatisent la publication et la récupération de données sur Facebook et Twitter. Et c’est très bien comme ça.

J’affirme que cette bataille a pris fin. Essayons de dégager les forces en présence et d’en explorer les implications pour les deux enjeux exprimés ici, la mobilité et la personnalisation.

Les amis proches, la famille

C‘est le temple de Facebook. Que font-ils ? Quelles sont les news perso ? Quelque chose d’important dans ma vie qui ne regarde personne ? Facebook, et rien d’autre.

Twitter est public et ne laisse de place qu’à l’extime. Les seules news personnelles que je veux voir sur Twitter sont celles d’un personnage public dont je suis fan, comme Justin Bieber (c’est un exemple hein).

Conséquences : Imaginez une application mobile qui crée automatiquement un arbre généalogique qui se base sur le graphe social de Facebook et qui vous alerte en fonction de vos déplacements. Moi je sais que je téléchargerais, et j’espère donner cette idée à quelqu’un.

L’information

L‘accès rapide à l’information, le city-journalisme et la curation constituent le terrain de jeu favori de Twitter. Vous trouvez douze articles par jour qui peuvent intéresser des amis ou collègues ? Vous n’envoyez pas de mails ni ne pourrissez une timeline Facebook, mais vous pouvez partager sur Twitter.

Quelque chose d’exceptionnel arrive autour de vous ? Godzilla envahit Trouville ou vous observez le crash d’un ULM sur la Drôme ? Twittez-le, le monde vous le rendra.

L’information sur Facebook est fortuite, au mieux un coup de chance. Mais en devenant une destination permanente et multi-forme, il est possible d’organiser des listes d’informations sur Facebook et de diffuser via des pages. Cependant toutes les études montrent que les utilisateurs de Facebook aiment des pages quasiment sans jamais y revenir. Les likes sont en fait de bons indicateurs pour cibler une pub, pas pour diffuser de l’info ou du contenu…

Conséquences :

  • L’information-loisir localisée a été investie, c’était la star l’an dernier et ils gardent leur avance. Ils s’appellent Foursquare.
  • Seuls des sites comme Yelp et TripAdvisor ont encore une chance d’exister en se concentrant sur le web classique (derrière un PC).
  • Vous remarquerez que le partage Facebook et Twitter de Foursquare existe depuis le premier jour.
  • L’information générale reste l’apanage des médias traditionnels.
  • L’information professionnelle est a priori archi-dominée par Linkedin.

L’usabilité

Twitter est dur. Twitter est inutile. Du moins en apparence. Mais à la différence de Facebook on peut utiliser Twitter sans être inscrit !

La puissance de Twitter réside dans la recherche justement parce que l’information utile est publique, et Twitter l’a bien compris en mettant en avant cette particularité.
Votre objectif sur Twitter devrait être d’inter-agir avec ceux qui partagent votre intérêt, surtout pas de créer un réseau. Le réseau est une option, pas du tout une obligation. Alors que quelque soit votre intérêt, vous devriez vérifier sur Twitter ce qui s’en dit, encore plus que sur les blogs.

L’usabilité de Facebook est sa force, ce qui fait qu’ils sont les seuls à détenir le graphe social mondial. A contrario la bataille pour l’attention est perdue d’avance sur Facebook en dehors d’achats publicitaires, ces derniers démontrent des performances les plus basses jamais vues.

Pourquoi ? Parce que l’usabilité de Facebook dessert les intérêts des marques. Les gens ne vont pas sur Facebook pour acheter ou cliquer sur des pubs ou avoir une timeline remplie par des marques. Si vous voulez publier, ouvrez un blog, et relayez sur Twitter, même si vous aurez trois fois plus de fans sur Facebook. Je préfère un retweet à un like.

Conséquences :

  • Une application qui souhaite personnaliser en fonction des goûts de son utilisateur se tourne vers une interaction avec Facebook.
  • Une application qui aide à la diffusion préférera des relais sur Twitter.
  • Mais le plus souvent les deux sont concernés.

Une application sans Facebook ET Twitter n'aurait pas de sens aujourd'hui.

Le Commerce

Dans la continuité de mes assertions précédentes, le commerce en ligne n’a a priori pas sa place sur Facebook. Je crois cependant aux occasions de ventes pour des marques pour lesquelles les utilisateurs sont déjà clients. Le relais d’un webstore pourquoi pas, mais je ne crois pas au F Commerce pure-player. Je ne demande qu’à être démenti d’ailleurs.

Le commerce sur Twitter est simplement impossible car Twitter correspond à de la diffusion d’info, et la diffusion exclusive d’info commerciale est utile dans des cas rarissimes. Seuls les avis ont leur place sur Twitter.

Conséquences :

  • le M-Commerce comme le F-Commerce ont encore à mon sens trop de chemin à parcourir pour devenir un enjeu majeur en dehors de quelques marques emblématiques ou qui en ont les moyens.
  • Mais le e-commerce après tout, n’est que de la vente à distance et malgré son attrait pour certains marchés il reste encore limité.
  • Les commerces qui devraient le plus bénéficier des évolutions de ces usages nouveaux sont les commerces en dur, le retail, pour peu qu’ils apprennent à inter-agir avec le graphe social, j’ai déjà exploré quelques pistes pour y parvenir.
  • Pour les autres, ce sont plutôt les fonctions sociales qui intégreront le e-commerce que l’inverse.

C’est le graphe social qui viendra au commerce en ligne, et non l’inverse.

Le Jeu

Le jeu électronique est le loisir qui génère le plus grand chiffre d’affaires au monde. Un seul acteur a été réellement disruptif sur ce marché depuis 5 ans. Apple.

Facebook est par ailleurs devenu aussi une destination pour le jeu, mais seulement parce que Facebook est devenu une destination pour tous les usages.

Je ne vois pas de conséquences directes pour les années à venir pour la simple raison que le jeu est une activité statique, même sur un iPhone ou un iPad, qui demande très peu de personnalisation (c’est le même jeu pour tous) ou d’interactions avec l’extérieur.

Conséquences :

  • La seule conséquence notable est l’entrée des mécaniques de jeu dans des services communs, là encore c’est Foursquare qui a pris l’initiative.
  • Mais dans un monde où les applications sont les reines, chaque développeur doit se considérer comme concepteur d’un jeu.
  • C’est la mécanique ludique qui entraînera viralité et addiction à un service. Revoyez vos classiques pour les plus gamers d’entre vous.

Le jeu, même sur mobile, est statique.

Les marques, les entreprises

Paradoxalement, Facebook pêche pour les marques de par la complexité et l’étendue de la plate-forme. Quelle est la meilleure option pour une marque ? Une publicité ? Pour une page ou un lien externe ? Une page ? Un groupe ? Une application ?

Pour les utilisateurs, Facebook est une expérience fermée sur elle-même, où les marques n’ont que peu de places. Le seul intérêt pour les marques est la quantité gigastronomique d’utilisateurs, mais Facebook, contrairement à Google Adwords, ne pourra jamais se présenter comme option unique et prioritaire.

La complexité apparente de Twitter devient une force pour une petite entreprise. Un fil d’info, et basta. N’importe quelle petite entreprise comprend cela sans problème.

Conséquences :

  • Côté utilisateur, les études montrent que l’intérêt est beaucoup plus porté vers la promotion, l’offre exclusive.
  • En dehors de cela, il me semble que l’appropriation par les marques du graphe social est vécu comme une menace.
  • Mais je me plais à imaginer un moteur d’achat qui m’indique les possibilités de shopping “autour de moi”. Cette application n’existe pas encore, et elle aura besoin du graphe social pour exister.

Pour les marques, la simplicité est la clé.

Comparaison des trafics de Twitter et Facebook

Analysons enfin les différences de trafic pour Facebook et Twitter en France et dans le monde. Il n’y a pas de compétition, l’idée est ici de dégager une tendance.

Voici les différentes courbes selon Google Insights for Search :

  • Dans le monde:

Le trafic de Facebook est 25 fois plus grand que Twitter qui atteint péniblement la performance de Facebook en… 2007.


Ajoutons la courbe de Twitter seule pour nous donner une idée de la croissance :

trafic de Twitter.com depuis 2 ans

Cette courbe ne tient bien sûr pas compte des nombreux utilisateurs via des applis comme Tweetdeck, Seesmic ou Hootsuite.

  • En France

Analysons enfin les statistiques de Google Adplanner pour estimer les trafic respectifs :

Trafic de Facebook en France - cliquez sur l'image pour agrandir

Trafic de Twitter en France - cliquez sur l'image pour agrandir

On constate de larges différences de trafics qui confirment la dominance mondiale de Facebook.

Mais n’oublions pas que le trafic de Twitter reste 10 fois supérieur à Linkedin malgré ses 100 millions de membres, cela donne tout de même l’ampleur de l’avance de Twitter sur tous les autres.

Epilogue

J’ai souhaité explorer ces comparaisons pour mettre un terme à mes réflexions sur le sujet et avoir la possibilité de me concentrer sur ce qui me semble présenter le plus d’intérêt dans les nouveaux médias dans les années à venir: la vie mobile et l’automatisation de la personnalisation.

Il est certain qu’un jour, pas si lointain, Facebook deviendra pour les réseaux sociaux ce qu’est devenu IBM pour l’infrastructure, Microsoft pour le logiciel, Google pour le Web: un riche dinosaure.

Vous l’avez compris, mon avis est que la prochaine destination qui fera le succès de demain est une application mobile. Aujourd’hui deux entités ont remporté la bataille de l’infrastructure mobile, Apple et Google. C’est dans ce magma des milliers d’applications qu’émergera la star de demain, et elle sera connectée à Facebook et Twitter.


Webographie

Publié initialement sur Narominded
Illustrations Google Analytics et NaroMinded

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