L’objectif de transparence déteint-il sur la pub?
Nike qui communique sur la localisation de ses usines, Levi's qui fait du social: certaines marques utilisent l'implication et la transparence comme argument publicitaire. Marie-Claude Ducas propose d'analyser le phénomène.
Le 31 mars dernier s’est tenu une série de conférences entourant les Tomorrow Awards, par les créateurs de l’organisation I have an idea. Elles ont laissé entrevoir des tendances destinées à prendre de l’ampleur.
On voit émerger de nouveaux mots d’ordre en publicité : transparence, implication sociale, partage, développement durable. Tant de la part de quelqu’un comme Cindy Gallop, ex-patronne de Bartle Bogle Hegarty (BBH) New York, qui a fondé IfWeRanTheWorld, que de quelqu’un comme Nick Barham, Global Director de WK Tomorrow au sein de l’agence Wieden & Kennedy.
Étonnant, de prime abord. Mais logique, en fin de compte, quand on regarde les principaux enjeux du domaine des communications ces derniers temps. Il y a d’ailleurs, dans le genre de propos entendus le 31 mars dernier, un certain rapprochement à faire avec le discours tenu par Alex Bogusky, co-fondateur et ex-dirigeant de l’agence Crispin Porter + Bogusky. Mais, alors que Bogusky a – du moins jusqu’à indication contraire –  tourné le dos à l’univers du marketing pour tenter de « réinventer le capitalisme », les autres s’impliquent encore auprès des annonceurs. Cindy Gallop éxplique:
Ce sont les actions qui comptent; j’ai construit ma propre startup autour de cela. Les entreprises sont pleines de bonnes intentions. Mais, tout comme les gens, elle ont de la difficulté à les concrétiser. L’autre problème, c’est que l’idée de faire le bien, au départ, est très ennuyeuse en soi.
IfWeRanTheWorld veut donc, entre autres, s’attaquer au syndrome «worthy, but dull » (digne d’intérêt, mais ennuyeux).
Une des initiatives que IfWeRanTheWorld a contribué à mettre sur pied a été, par exemple, la mise en l’avant d’un projet de revitalisation de la ville de Braddock, en Pennsylvanie, pilotée et publicisée par la marque Levi’s. (voir ce billet sur le blog USA Character Approved.)
La transparence, nouvel impératif
Si vous ne faites rien dont vous puissiez avoir honte, vous n’avez pas à vous en faire sur ce que le public pourrait découvrir à votre sujet.
La transparence est d’ailleurs le premier aspect que mettait en avant Nick Barham, de Wieden & Kennedy, à travers les expériences récentes avec son client Nike. Rappelons que W & K est, depuis des années, l’agence de Nike, pour lequel elle a entre autres conçu le célèbre slogan « Just do it ». Et rappelons aussi que Nike a longtemps été une des cibles favorites des mouvements anti-marketing et anti-mondialisation. Notamment pour la « délocalisation » de sa main-d’œuvre, et le recours à des usines situées dans des pays du tiers-monde. Or, que fait Nike maintenant?
Ils communiquent maintenant les emplacements de toutes leurs manufactures. Ils ont libéré 400 de leurs brevets, pour que des industries hors du domaine du sport puissent les utiliser et en bénéficier. Ils ont mis au point un indice de développement durable (« sustainability»), dont ils partagent la méthode. Ils ont réalisé qu’ils ne pouvaient rien cacher au public.
Oui, il y a quelque chose de déconcertant, et même de carrément ironique, à voir de tels annonceurs prôner la transparence et la remise en question,  guidés en cela par les publicitaires, que l’on était plutôt habitués à voir comme des professionnels de la manipulation et de la dissimulation.
S’agit-il tout bonnement de la manipulation ultime, du stade suprême de la récupération ? Pour ma part, je suis vraiment portée à prêter foi au discours de tels précurseurs. En n’oubliant pas, ceci dit, que la plupart des annonceurs (et des publicitaires) sont encore loin de cette philosophie de la transparence.
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