[INFOGRAPHIE] Domiciliation: 1 lieu, 0 habitant, 95 nationalités
Le Centre d'Action Social Protestant propose aux personnes sans domicile stable une adresse administrative. Nous avons synthétisé les données relatives à leurs 2.500 bénéficiaires.
Quelques hypothèses d’analyse sur les données de la domiciliation présentées dans l’infographie ci-après :
Sexe. Les hommes sont majoritaires, avec 59%, ce qui est en phase avec les statistiques de l’Insee, selon lesquelles les SDF sont majoritairement des hommes en France. Quant à expliquer le pourquoi de cette différence de 20%, c’est un exercice à la madame Irma.
Ancienneté. Triste constat : la situation précaire des domiciliés dure. Un quart sont là depuis plus de quatre ans.
Situation administrative. En majorité, le CASP domicilie des personnes qui ne correspondent pas à la définition « traditionnelle » du SDF : un Français marginalisé. Une majorité viennent de l’étranger, pour des raisons économiques et/ou politiques.
Date de dernier passage. Les personnes sont assidues. Le règlement qui impose de venir deux fois par mois n’explique pas tout : au bout du courrier se trouve parfois la régularisation, la réinsertion.
Origine. En tête, on trouve un ensemble comprenant l’Europe sans les 27 de l’UE, soit 24 pays, parmi lequel la Géorgie est un “poids lourd” : 110 sur 574, soit le quatrième pays le plus représenté. La crise politique que connait le pays explique principalement ce chiffre, nous a expliqué M. Folleville. Ils sont envoyés là par la Cada (Centre d’accueil de demandeurs d’asile). De même, les Roumains sont le septième pays avec 89 personnes.
Pour contexte, la France réserve un traitement de défaveur à la Roumanie : bien qu’elle soit entrée dans l’UE en 2007, elle n’appartient pas à l’espace Schengen, et donc ses ressortissants ne bénéficient pas de la liberté de circulation dont tout citoyen européen jouit. Et comme c’est une immigration économique, ils sont des candidats-types à la domiciliation.
De façon attendue, l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne viennent ensuite. Ce sont traditionnellement des zones d’immigration économiques. L’Algérie est ainsi le premier pays représenté, largement en tête si l’on rapporte à la taille de sa population : 331 pour 36 millions d’habitants, 320 pour la Russie qui compte plus de 140 millions d’habitants. « Ce sont surtout des sans-papiers », détaille M. Folleville.
Des causes politiques se mêlent sans doute aussi : par exemple la Côte d’Ivoire, en crise depuis 2002, est le 10ème pays le plus pourvoyeur de domiciliés.
L’importance de la Russie n’est pas étonnante. Forumrefugiés indiquait ainsi qu’« Après l’Irak et la Somalie, la Fédération de Russie (20 500) constitue le troisième pays d’origine des demandeurs d’asile dans les pays industrialisés. A noter que la Pologne, l’Autriche et la France sont les trois principaux pays d’accueil de ces ressortissants. »
L’Amérique, qu’elle soit du Nord ou latine, est si minoritaire qu’elle n’apparait pas en tant que zone géographique à part.
Qu’est-ce que la domiciliation ?
Méconnue, la domiciliation est un service réservé aux personnes sans domicile stable qui ne peuvent pas déclarer d’adresse où récupérer leur courrier régulièrement. Elle a toujours existé, sans pour autant être encadrée par la loi. Les associations, les églises, ou toute autre personne pouvaient domicilier une personne sans domicile stable.
C’est une pratique qui est dès l’origine basée sur le volontariat nous raconte Patrick Folleville, directeur du pôle accueil et hébergement d’urgence au CASP (Centre d’Action Sociale Protestant). Notre service de domiciliation administrative a ouvert en 1980. C’est un service gratuit.
En 2007, la loi DALO (Droit au logement opposable) va encadrer les pratiques de domiciliation de droit commun. Les modalités en sont précisées par la circulaire du 25 février 2008 [pdf] :
Les situations personnelles sont très variées et peuvent se trouver à la limite de cette notion. C’est en fait à la personne de se demander si elle dispose d’une stabilité suffisante pour déclarer une adresse personnelle à une administration.
Quel que soit le statut de la personne, la première démarche qu’elle devra effectuer est celle de la domiciliation. Avoir une adresse est le sésame qui donne accès à toutes les autres démarches administratives en France. C’est une question de survie, comme le soulignait le groupement des associations dont font partie le CASP et DOM’Asile lors des états généraux de la domiciliation organisés en décembre 2010 à Paris.
Il existe à Paris 62 associations1 avec un service de domiciliation. Chacune d’entre elles gère tout ou partie du flux des domiciliés, en fonction des agréments qu’elles ont obtenus. Ces derniers sont accordés aux organismes à but non lucratif exerçant depuis plus d’un an dans le domaine de la lutte contre les exclusions, l’accès au soins, l’accueil des réfugiés, etc.
- Agrément de domiciliation au titre de la CMU (Couverture Maladie Universelle) et de l’AME (l’Aide Médicale d’État est réservée aux personnes sans papiers, depuis peu, leur photo est apposée sur la carte d’AME) : 50 associations
- Agrément au titre du RMI : 36 associations
- Agrément au titre de l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) : 15 associations
- Agrément au titre de la demande d’Asile : 9 associations.
Le CASP fait partie des trois seules associations à Paris qui détiennent les quatre agréments de domiciliation principaux. Sa « file active », c’est-à-dire le nombre de bénéficiaires maximal, était de 2.500 personnes au 31 décembre 2010. Ils gèrent aussi bien un toxicomane de longue durée qu’une famille de réfugiées ou un travailleur sans papiers.
Le suivi est assuré par l’équipe du service dès leur arrivée pour une première inscription. Les domiciliés se voient remettre un règlement intérieur à leur première inscription dont voici quelques règles de base :
- Les personnes domiciliées doivent retirer leur courrier au moins deux fois par mois.
- En cas de non-présentation de la personne au-delà de trois mois, le courrier est renvoyé en NPAI (N’habite pas à l’adresse indiquée) à La Poste.
- La domiciliation est accordée pour une durée d’un an au bout de laquelle il faudra la renouveler avec l’accord du travailleur social chargé du suivi de la personne concernée.
- Les personnes ne peuvent recevoir des revues, magazines et autres publicités.
Demandeurs d’asile : quand les préfectures refilent leur boulot aux associations
Sur le nombre total de personnes domiciliées par les associations, une partie sont des demandeurs d’asile, intégrés à la file active. Une fois qu’ils obtiennent leur attestation de domiciliation, ces primo-arrivants se rendent à la préfecture pour obtenir leur récépissé de séjour. Or, les préfectures ont un problème d’accueil, notamment en région parisienne, destination qui cumule tous les avantages : plus de chance de trouver un emploi ou un domicile, plus de structures d’accueil, etc.
Ainsi, la Préfecture de Police de Paris (PPP) accepte, par jour, seulement 20 à 30 personnes, alors que 120 personnes attendent devant la porte. Selon David Hedrich de DOM’ASILE,
cette limitation ne se justifie pas. L’attente est telle que les demandeurs d’asile doivent camper devant la préfecture. C’est une situation absurde.
Du coup, certaines préfectures, qui sont donc responsables du pilotage des demandes d’asile, se déchargent sur les associations en leur délégant des pouvoirs : « c’est notamment le cas de la préfecture du Val-de-Marne (94), poursuit David Hedrich, qui a demandé aux associations chargées de cette mission de gérer la délivrance des titres de séjours, en leur fournissant tous les papiers officiels nécessaires. »
Dom’Asile n’hésite pas à passer à l’action, avec d’autres associations du Groupe Asile de France : entre le 7 et le 18 mars dernier, ils ont mis en place des actions devant les sièges des préfectures de Créteil et Paris, le matin à l’ouverture des portes, afin de vérifier que ces dernières accueillaient bien toutes les personnes qui se présentaient.
Notre but, poursuit David Hedrich, est de regrouper suffisamment de condamnations par les tribunaux administratifs afin de faire changer les pratiques des préfectures.
Du côté du CASP, un partenariat a été mis en place avec la Préfecture de Police de Paris pour gérer au mieux le flux de demandeurs d’asile primo-arrivants. Patrick Folleville nous explique que ses services « envoient une liste de noms et la préfecture renvoie les jours et heures de rendez-vous. Nous avons négocié avec eux cette organisation et sur les informations contenues dans la liste. Cela évite justement aux gens de de camper devant la préfecture. »
Infographie réalisée par Karen Bastien cc-by-nc-sa
Image de Une par Ophelia /-)
- chiffre 2008 [↩]
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