Allemagne recherche immigrés de l’Est, désespérément
Pendant que la France cherche à détricoter Schengen, l'Allemagne attend avec impatience les immigrés de l'Est qui combleront sa pénurie de main d'oeuvre... mais doit faire face à une attractivité en berne.
Comme l’Autriche qui a publié des chiffres la semaine dernière1, l’Allemagne attend avec sérénité l’arrivée de salariés en provenance des pays membres de l’Union européenne qui ont adhéré en 2004 – la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Pologne, la Hongrie, Chypre, Malte, la Lettonie, la Lituanie et Estonie – et qui pourront donc à partir du 1er mai prochain circuler librement en Europe.
Pénurie de main d’oeuvre contre diabolisation de l’immigration
Selon une étude de l’Institut de l’économie allemande (IW) de Cologne [DE], d’ici 2020, 1,2 million de personnes sont ainsi attendues. 800.000 personnes devraient venir s’installer dans le pays d’ici la fin 2012, le flux migratoire devant se ralentir par la suite. Par comparaison, l’IW rappelle que dans les années 90, la chute du mur de Berlin s’était traduite par l’arrivée de 3,3 millions de personnes en provenance des anciennes démocraties populaires, hors RDA.
Les projections de l’institut IW sont confirmées par le responsable de l’agence fédérale pour l’emploi, Frank-Jürgen Weise, qui table sur 140 000 immigrants supplémentaires par an quand le commissaire européen pour l’emploi et les affaires sociales, Laszlo Andor estime que 100.000 salariés par an pourraient être s’installer outre-Rhin.
Critiquant ces scénarios négatifs diabolisant des hordes de migrants venus de l’Est pour l’essentiel, la ministre du Travail, Ursula von der Leyen a rappelé qu’il n’y a pas « le moindre indice allant dans ce sens. Je vois dans la libéralisation du marché du travail au contraire plus de chance que de risque ». Dans un pays qui souffre déjà de pénuries de main-d’œuvre, ces travailleurs supplémentaires tombent à pic, comme le confirme Michael Hüther, le directeur de l’institut IW.
La croissance économique actuelle va nécessiter des besoins supplémentaires de main-d’œuvre.
L’Ouest moins attractif qu’auparavant, un risque pour l’Allemagne
Le directeur de l’agence fédérale pour l’emploi, Frank-Jürgen Weise, cité par le quotidien Rheinischen Post, estime même que les immigrés attendus ne seront pas assez nombreux pour répondre aux besoins des entreprises.
Le problème est que l’Allemagne est beaucoup moins attractive que ce que beaucoup d’Allemands pensent. Les jeunes diplômés polonais très qualifiés préfèrent aller au Royaume-Uni.
Les salariés des pays d’Europe centrale et orientale ne seraient pas, non plus, spécialement disposés à franchir la frontière, réfléchissant à deux fois avant de quitter leur pays où les conditions de vie et les niveaux de salaire se sont appréciés au cours de ces dernières années. A titre d’exemple la ministre du travail polonaise Jolanta Fedak estime qu’au maximum 300.000 à 400.000 Polonais par an pourraient profiter de l’ouverture totale des frontières pour aller vivre ailleurs en Europe.
Ces pronostics laissent les salariés allemands sceptiques. Selon de récents sondages, ils sont 40 % à craindre la concurrence de leurs voisins de l’Est sur le marché du travail. De même que les syndicats qui mettent en avant le risque de dumping salarial des Polonais et des Tchèques qui seraient prêts à accepter des rémunérations moins élevées en passant la frontière chaque jour pour aller travailler en Allemagne, tout en vivant dans leur pays où le coût de la vie reste beaucoup moins élevé.
Article publié initialement sur MyEurop sous le titre L’Allemagne attend avec impatience les immigrés de l’Est.
Photo FlickR CCÂ : Kewagi ; Tobias Bullert.
- NDLR : l’article a été publié le 27 avril 2011 [↩]
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