Spotify vendu à Facebook
Contrairement à l'annonce d'un partenariat ami-ami avec Spotify, le groupe Facebook cherche depuis plusieurs années à contrôler le leader mondial du streaming musical. Au Luxembourg, OWNI a retrouvé la trace des transactions financières qui les unissent.
Le 22 septembre, Facebook annonçait la mise en place d’un partenariat très étroit avec Spotify, la plateforme d’écoute musicale en streaming. Des fiançailles qui s’expliquent par des opérations financières croisées, pas franchement assumées par les deux sites. Lesquels avancent un peu masqués dans cette affaire.
Vu de l’extérieur, ce rapprochement instaure une forte contrainte pour les milliers d’utilisateurs de Spotify. Impossible désormais de se connecter à sa musique en ligne sans passer par son compte Facebook. Mais à entendre les acteurs de cette opération industrielle, il s’agirait simplement de simplifier la vie de l’utilisateur moyen.
Interrogé par OWNI, Julien Codorniou, responsable des partenariats de Facebook en France et au Bénélux, répète cette communication bien huilée. Selon lui :
Ce n’est pas un partenariat économique.
Nous avons pourtant retrouvé la trace de nombreuses transactions passées entre Spotify et l’un des principaux promoteurs de Facebook, Sean Parker. Soutien historique du fondateur Mark Zuckerberg, Sean Parker a été président de Facebook de 2004 à 2005. Et Parker détient encore 4 % des parts de Facebook tout en travaillant depuis juin 2011 au poste de directeur de Spotify – comme le signale sa page Facebook.
Une caisse enregistreuse au Luxembourg
Cependant, sa relation financière avec le fondateur de Spotify, le suédois Daniel Ek, se révèle bien plus ancienne. L’histoire débute véritablement le 23 novembre 2007, lorsque Daniel Ek, âgé de 24 ans, fonde à Londres Spotify Limited – devenu aujourd’hui le quartier général de l’entreprise, depuis des bureaux situés au 13 Kensington Square (comme le confirme une recherche sur l’adresse IP de ses serveurs).
Quelques mois plus tôt, ce futur siège social s’est vu doter d’un centre névralgique financier, baptisé Spotify Technology S.A, et installé dans un paradis fiscal européen, au Luxembourg. Cette caisse enregistreuse est de nos jours directement gérée depuis le siège de Londres, comme le montrent les registres britanniques.
Les bases de données du Grand-duché racontent l’histoire, plutôt exotique, de l’apparition de cette structure. Car Spotify Technology est créée le 27 décembre 2006 sous la houlette d’un financier local, Olivier Kuchly, pour des bénéficiaires qui s’abritent derrière des sociétés fiduciaires implantées à Chypre.
Trois ans plus tard, le 30 décembre 2009, Sean Parker entre officiellement au conseil d’administration de Spotify Technology, lors d’un apport de 11,5 millions d’euros. Quelques semaines après, le 26 février 2010, un fonds américain dirigé par Parker, Founders Fund, également présent dans Facebook, réalise un investissement dans Spotify.
Tout est en place pour préparer une intégration de Spotify dans Facebook ; et ainsi valoriser financièrement les goûts musicaux des centaines de millions d’amis. Le résultat commercial a été rendu public lors de la grand-messe annuelle de Facebook, le 22 septembre. Pour la plus grande joie de Sean Parker, qui depuis les tumultueuses années Napster, rêvait de conquérir le marché des préférences musicales, comme pourrait en témoigner cette correspondance adressée à Daniel Ek en 2009.
Contacté dans le cadre de cette enquête, les responsables de Spotify ont décliné notre proposition d’interview, demandant néanmoins que nous transmettions l’ensemble de nos questions à leur direction de la communication.
Illustration de une : Marion Boucharlat pour OWNI /-)
Photos via FlickR – jdlasica http://www.flickr.com/photos/jdlasica/6256555261/sizes/z/in/photostream/
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