Le terrorisme fantasmé de Marine Le Pen
Faire peur, c'est aussi possible avec les données. En recensant les actes terroristes islamistes dans le monde, Marine Le Pen l'a bien compris. Même si ses chiffres apparaissent largement erronés, comme le montrent les journalistes de données d'OWNI. La candidate FN reste avant-dernière au classement OWNI-i>Télé de crédibilité des six principaux candidats à la présidentielle, devançant Nicolas Sarkozy de près d'un point.
La gravité attire les six principaux candidats à la présidentielle présents dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de leurs déclarations chiffrées ou chiffrables.
Avec 43,4 % de crédibilité, Nicolas Sarkozy s’enfonce un peu plus à la dernière place, tandis que Marine Le Pen et François Bayrou jouent au coude-à-coude (44 % pour la candidate FN, 44,7 % pour celui du MoDem). Eva Joly perd quelques dixièmes de points et tombe à 58,7 %. Elle reste devant François Hollande (54,3 %) mais se détache un peu plus de la tête du classement, conservée par Jean-Luc Mélenchon avec 63,5 % de crédibilité.
Durant ces dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 41 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle1. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.
Marine Le Pen islamise
Pour justifier l’amalgame entre immigration et terrorisme, rien ne vaut les chiffres. Et Marine Le Pen l’a bien compris. Dans la matinale de France Inter du 19 avril, tout en affirmant que “Mohammed Merah n’aurait pas été Français” si elle avait été aux affaires, la candidate FN a vu grand :
95 ou 97 ou 98 % des attentats qui sont commis aujourd’hui dans le monde entier sont le fait du fondamentalisme islamique !
A notre connaissance, le seul organisme officiel fournissant des données sur les attaques terroristes dans le monde vient des États-Unis. Il s’agit du Centre national du contre-terrorisme, qui classe notamment les attentats selon la nature de l’organisme revendicateur. L’équipe du Véritomètre a recensé les résultats pour l’année 2011 sur un graphique :
Et Marine Le Pen est très loin de la réalité. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011, sur les 10 309 attaques terroristes ayant eu lieu dans le monde, 56,3% ont été revendiquées par des islamistes radicaux. Soit 68,7% de moins que l’estimation avancée par la candidate FN.
A une échelle réduite, celle de la France, il en va tout autrement. L’équipe du Véritomètre avait déjà vérifié les données sur les revendications d’actes terroristes en France en 2010 à l’occasion d’une déclaration de Jean-Luc Mélenchon, dans un discours à Lille, le 27 mars. Sur les 84 actes terroristes recensés sur le sol français par l’agence Europol, aucun n’avait été revendiqué par un mouvement islamiste.
Le trop long contrat d’Eva Joly
Eva Joly place la fin de sa campagne sous le signe de la justice. Après avoir décrié – non sans un certain excès – le traitement fiscal de Liliane Bettencourt, la candidate Europe Ecologie – Les Verts s’en est prise aux Partenariats public-privé (PPP) dans les prisons à l’occasion de l’interview politique de Christophe Barbier sur i>Télé :
Il faut renouveler les bâtiments des prisons [...] mais les conditions dans lesquelles nous le faisons en France, en partenariats public-privé par exemple, qui grèvent nos budgets pour les 51 ans à venir, tout en assurant une rente à Bouygues, ne sont pas la bonne solution.
Les PPP pénitentiaires pointés du doigt par Eva Joly ont été institués par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire. Une loi qui a permis de confier à un unique prestataire privé l’entretien et les services à la personne dans les établissements pénitentiaires, et qui fut effective à partir du début des années 1990.
La question n’est pas ici de savoir si ces PPP sont ou “ne sont pas la bonne solution” – OWNI s’étant d’ailleurs souvent intéressé à la question -, mais plutôt de savoir si les contrats de délégation de service public dans les prisons peuvent effectivement durer “51 ans”.
La Cour des comptes s’est récemment intéressée aux PPP pénitentiaires, et notamment à leur durée. En lisant rapidement le rapport qu’elle a rendu en octobre 2011, on comprend que les contrats de PPP pénitentiaires déjà signés s’étendront au plus tard jusqu’en 2038. La période entre la date d’entrée en vigueur (1987) de la loi relative au service public pénitentiaire et 2038 dure bien 51 ans.
Sauf qu’aucun PPP pénitentiaire n’a été signé en 1987, les contrats venant à échéance en 2038 n’ayant débuté qu’en 2010, pour une durée donc, de 28 ans. Dans sa croisade contre les PPP, Eva Joly n’a donc pas hésité à exagérer les chiffres.
Jean-Luc Mélenchon en terrain accidenté
Pour son dernier grand discours en plein-air, en l’occurence sur la plage du Prado à Marseille, le 14 mars dernier, Jean-Luc Mélenchon s’est penché sur une donnée “dont on ne parle jamais” à son avis, les accidents du travail :
43 000 accidents du travail qui aboutissent à une invalidité totale.
Exact à 4,4% près, si l’on se base sur le rapport statistique 2011 (pages 2 et 3) de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Car, malgré une baisse par rapport à l’année 2009, 41 176 accidents du travail suivis d’une incapacité permanente sont intervenus en 2010 en France.
Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)
- L’équipe du Véritomètre a fixé des seuils de tolérance pour l’évaluation des chiffres des candidats : si la marge d’erreur entre le chiffre évoqué par le candidat et la donnée officielle disponible est comprise entre 0 et 5 %, nous considérons la citation comme “correcte” ; si la marge est entre 5 et 10 % on la qualifiera d’”imprécise”, enfin si la marge est de plus de 10% nous l’évaluerons comme “incorrecte” [↩]
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