Dans le secret des failles informatiques
Le business des Zero Day est des plus opaques. Des Zero Day ? Ce sont les failles de sécurité dont l'existence n'a pas été encore révélées et se vendent dès lors à prix d'or, comme le raconte le Washington Post. Un marché dans lequel une boite française, Vupen, tient une bonne place. Non sans s'attirer de nombreuses critiques.
Au profane, Zero Day ne dira rien. Un titre de film ou de roman d’espionnage tout au plus. L’expression est bien connue des experts en sécurité informatique, source d’adrénaline ou de sueurs froides. Un Zero Day désigne une faille encore inconnue dans un logiciel. Stuxnet, le virus fabriqué par les États-Unis et Israël pour saboter le programme nucléaire iranien, s’est appuyé sur au moins quatre failles de ce type.
Le Washington Post a plongé dans l’univers feutré et méconnu du marché de ces failles, entre acheteurs privés et publics et vendeurs de tous horizons. “Tout le monde en veut” a déclaré Chris Soghoian, un chercheur en sécurité informatique basé à Washington. Mais le fructueux business reste secret. Qui achète, qui vend ? La plupart des entreprises affirment limiter les ventes de failles à des agences de renseignement ou à des sous-traitants de l’armée.
60 000 dollars la faille
Une boite française, Vupen, est parvenue à se faire une réputation dans ce milieu interlope. En janvier 2012, une équipe de cinq experts de l’entreprise – dont le co-fondateur Chaouki Bekrar – avait découvert l’une de ces failles dans le navigateur Google Chrome au Pwn2Own Contest. Récompense pour la découverte : 60 000 dollars. Une autre découverte pour la même compétition n’a pas été rendue publique par Vupen qui a préféré la garder pour ses clients. Hors compétitions officielles, les chiffres donnent le tournis, “parfois des centaines de milliers de dollars la faille” selon le quotidien américain.
La très grande discrétion de Vupen lui a valu de vertes critiques. Irresponsable, coupable de donner une mauvaise réputation à l’ensemble des acteurs du marché… Chaouki Bekrar s’en est défendu auprès du Washington Post, affirmant ne vendre qu’“aux agences de renseignement des pays membre de l’OTAN”, en écho à la présentation officielle de Vupen sur son site.
D’autres entreprises se disent plus scrupuleuses, comme l’américaine Netragard, qui affirme ne vendre qu’à ses alter-ego américains et seulement en connaissant l’utilisation finale. Charlie Miller, consultant dans le privé après une carrière à la NSA invoque une équation insoluble pour les découvreurs de Zero Day :
Dois-je faire ce qui est bon pour la plupart des gens et ne pas toucher d’argent du tout, ou dois-je vendre au gouvernement américaine et gagner 50 000 dollars ?
L’Allemagne a tranché, avec fermeté : le commerce de Zero Day est interdit, de même que leur publication sans rémunération et même le simple fait de les chercher. Au États-Unis, il reviendra au département du Commerce de décider du sort de ces précieuses failleurs, notamment pour l’exportation.
Le Washington Post a consacré une série d’articles sur les Zero Day, à retrouver en suivant ce lien.
Illustration photo CC by-nc-nd ANTPhotos
Mise à jour le 3 septembre à 19h45 : correction d’une coquille sur une occurence du nom de Chaouki Bekrar.
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