Création, Internet et Absentéisme

Le 14 avril 2009

Création Ce ne fut pas un prénom de femme. Les prénoms de femme n’ont plus la côte au gouvernement. Ce fut un acronyme et une “baseline” comme la nomme les marketeux, des plus réussie : “hadopi” soit 6 lettres, pas trop pour un hashtag (ces #signaux qui permettent de faire d’un mot un “tag” commun sur [...]

Création

Ce ne fut pas un prénom de femme. Les prénoms de femme n’ont plus la côte au gouvernement. Ce fut un acronyme et une “baseline” comme la nomme les marketeux, des plus réussie : “hadopi” soit 6 lettres, pas trop pour un hashtag (ces #signaux qui permettent de faire d’un mot un “tag” commun sur Twitter notamment) et juste assez pour avoir une histoire “propre” dans les moteurs de recherche. Hadopi, loi “création et internet”. La bien-nommée !

La loi Hadopi s’attaque à la substance même du web : la liberté et l’abondance. Si le piratage n’est pas en sois justifiable, au moins permet-il d’accéder à la culture. en terme de création, on fait plus productif que ce que propose le gouvernement français : Hadopi n’est que répressive !

La loi Hadopi ne rapportera pas un centime aux artistes, auteurs et autres légitimes “ayant droit” (ayant réellement fait acte de création). C’est une loi qui coutera des millions (7, 10, plus ? qui peut le dire ?) et qui ne propose aucun bénéfice pour les artistes. On y reviendra…

Internet

“Internet et les technologies numériques ouvrent un extraordinaire espace de libertés : libertés de s’exprimer, de créer, d’accéder à l’information et aux Å“uvres, mais aussi d’innover et d’entreprendre” précise en ouverture le Pacte pour les Libertés Numériques, né pendant la première phase, encore inachevée, de la bataille contre Hadopi. “Jamais autant d’informations, de connaissances et de créations n’ont été accessibles à un aussi grand nombre d’individus” précise ensuite le manifeste. Ce dernier point est essentiel : c’est sous nos yeux et en direct que s’est jouée cette théâtrale débâcle de la majorité qui met en lumière un projet liberticide, à contre-temps et foncièrement dangereux.

La loi Hadopi va imposer à chacun d’installer un mouchard sur son ordinateur. Les français ont-ils conscience de cela ? Combien seront prêt à l’accepter ? Et doit-on accepter cela en démocratie ? Cela ne va-t-il pas au contraire multiplier les dispositifs – parfois douteux – de contournement et placer les internautes dans l’illégalité quasi systématique ?

La loi Hadopi est techniquement inapplicable. Si aujourd’hui, médias, artistes, députés de la majorité et autres se réveillent, les principaux acteurs du paysage l’ont déjà précisé de longue date : ce dispositif est technologiquement innaplicable en l’état et aucun ne peut garantir sa fiabilité future. A l’inverse, le Creative Commons, la Licence globale et d’autres solutions pour lesquelles nous sommes nombreux à nous battre, ici notamment, seraient relativement simples à mettre en oeuvre ou fonctionnent déjà (le CC en est le meilleur exemple et ce blog est à ce propos entièrement sous licence creative commons).

Absentéisme

“Hadopi c’est un truc de geeks”. Les artistes dans leur majorité et à de rares et intelligentes exceptions prêts n’ont pas saisi l’enjeu. Pas plus que nos députés. Moins de 10% de nos représentants à l’Assemblée Nationale se sont investis sur ces textes. “21 à 15 c’est un résultat de ping-pong” ironisait Vinvin. A raison. Nous étions des milliers devant le “live” de l’assemblée diffusé sur différents sites et chaines, commentions les débats et les alimentions en direct sur Twitter et autres espaces sociaux : c’est sous nos yeux que l’Assemblée, vide, désespérément vide, a joué sa tragicomédie. Ceci sans séance solennelle. L’exécutif actuel chérissant peu la solennité.

Cet absentéisme n’avait rien d’exceptionnel. “Depuis deux ans, ne sont régulièrement présents que 150 députés” confirme ce matin le Canard Enchainé, qui titre pour l’occasion – et pour la première fois de son histoire – sur Internet. L’histoire de geeks hurlant au péril des “libertés numériques” (ce qui dit à peu près rien à Madame Michu, que je salue au passage) est devenue l’illustration mainstream et TF1isée presque parfaite d’une démocratie aux aboies, d’une assemblée coupable par vacuité (et rébellion ?) et de lois votées pour complaire à des copains ou faire un coup médiatique – n’ayant pas même vocation à être appliquées : vous vous souvenez des test ADN ? Pas de décret d’application ! Tant mieux parfois…

Hadopi sera adoptée, si elle passe (en lieu et place d’un texte sur l’avortement) à l’assemblée le 28 29 avril prochain. La probabilité qu’elle soit alors retoquée au Conseil Constitutionnel est forte. La probabilité qu’Hadopi soit invalidée ensuite au niveau européen est quasi totale.

Tout cela ne sert donc à rien ? Non ! Nous en sommes convaincus, tout cela met en lumière des débats essentiels. Tout cela conte une histoire, la notre. Hadopi raconte une période, un moment de cette histoire et des projets de sociétés qui s’affrontent. Tout cela conte la mue inéluctable, d’un modèle qui ne sert que les majors à un autre, vertueux pour les artistes et en phase avec les usages réels. Tout cela conte la fin d’une époque aussi, celle de la “politique à Papa”. Celle d’avant Internet. Mais ce sera l’objet d’un autre billet /-)

image CC by pisap

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés