Jeux en ligne, ne nous alarmons pas
Le Sénat examine très prochainement le projet de loi sur les jeux en ligne, avec la question du filtrage qui passionne le monde de l'internet. Le site Numérama s'excite et pcinpact s'interroge autour d'un amendement d'Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, qui entend sortir le juge du dispositif ...
Le Sénat examine très prochainement le projet de loi sur les jeux en ligne, avec la question du filtrage qui passionne le monde de l’internet. Le site Numérama s’excite et pcinpact s’interroge autour d’un amendement d’Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, qui entend sortir le juge du dispositif. Cette agitation est un peu vaine, car cet amendement n’a strictement aucune chance de prospérer !
La commission saisie au fond, c’est la commission des Finances. Avant d’être une question de “culture”, les jeux en ligne, c’est une affaire de gros sous. C’est donc le texte issu de la commission des finances qui servira de base à la discussion en séance publique. Les amendements de la commission des affaires culturelles seront des amendements parmi d’autres, qui auront peut être un petit peu plus de poids du fait qu’ils ont été adoptés par une commission.
Ce qui compte, c’est le point de vue du rapporteur de la commission des Finances, François Trucy, qui est exprimé ici. Il est pour le maintien du juge dans le dispositif. Son argumentation est un peu différente de celle des députés, mais finalement assez complémentaire. Pour lui, la décision du conseil constitutionnel sur hadopi, qui érige l’accès à internet en “droit constitutionnellement protégé” est un peu fragile pour justifier, à elle seule, que l’on ne puisse confier qu’au juge le filtrage ou le blocage de sites internet. Par contre, il relève que cette décision implique de qualifier juridiquement des faits, et que dans le domaine pénal, c’est quand même nettement mieux de confier cela à un juge, qui s’y connaît bien mieux là dessus qu’une autorité administrative. C’est plutôt une bonne argumentation, car cela pose un deuxième verrou.
Le gouvernement étant favorable à l’intervention du juge, le rapporteur sur le fond l’étant aussi, cela laisse bien peu de place pour ce cher Ambroise Dupont. Quelle mouche a bien pu le piquer, surtout qu’il ne se contente pas d’un amendement. Il propose aussi d’exonérer complètement les FAI de leur responsabilité en cas de surblocage. Allez y, lâchez vous, sortez l’arme nucléaire, vous êtes couverts ! Vous pensez bien que les FAI vont se gêner. Ils vont utiliser les techniques qui leur causent le moins d’inconvénients. Je pense que le sénateur Dupont a été chargé de “faire plaisir” aux différents lobbies qui se sont manifestés sur le sujet, en déposant leurs amendements, afin qu’ils puissent être débattus. Mais le fait qu’ils soient portés par le rapporteur pour avis (secondaire) et non par le rapporteur sur le fond (principal) est significatif. Ils ne passeront pas.
Le jeu parlementaire est parfois très subtil, car il consiste à rechercher en permanence des équilibres, à gérer des intérêts et des demandes contradictoires, tout en restant dans le cadre juridique et constitutionnel, et en respectant, un tant soit peu, l’intérêt général. Pas toujours évident, d’où des chemins parfois tortueux et obscurs pour les profanes.
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