Feu les blogueurs influents

Le 28 février 2011

Pour Autheuil, comme le numérique est devenu un énorme enjeu, les blogueurs ne pèsent plus politiquement dans ce domaine. Ils sont désormais assimilables à "un panel de consommateurs".

Le 24 février, Éric Besson invitait un panel de blogueurs à venir diner au ministère. Comme toujours, beaucoup de réactions hystériques, pour un évènement qui finalement, n’apporte rien. En fait, ce n’est que de la comm’, et ça ne marche que très modérément, le modèle commençant à se banaliser, donc à perdre en efficacité. C’est particulièrement vrai avec Éric Besson, déjà en charge du secteur en 2008 (c’est là qu’il fallait les faire, ces diners de blogueurs), dont l’image générale n’est pas très bonne et qui passe après une professionnelle de la comm’.

La rencontre intéressante, c’était celle de Sarkozy et des entrepreneurs. Le vrai pouvoir, il est à l’Élysée, c’est là qu’il faut aller frapper. Et de préférence avec des choses à demander. Si c’est pour échanger aimablement, ça ne sert à rien. Les blogueurs amateurs n’ont pas leur place à ce niveau du jeu, sauf peut-être un ou deux gros (au sens du nombre de visiteurs, bien entendu…) afin d’apporter des contre-points et des précisions. Globalement, en tant que blogueur amateur, je n’ai pas à me plaindre du pouvoir en place, je n’ai pas grand chose à lui dire et rien à lui demander. Aucune menace ne pèse sur mon activité (Masson est un clown qui n’est écouté nulle part dans les lieux de pouvoir). Si j’ai des choses à dire, c’est en tant que citoyen, pas en tant que blogueur.

Le web, c’est maintenant une affaire de professionnels

Il faut arrêter de voir le web par le prisme des blogueurs, ce temps est révolu ! Le web, c’est maintenant une affaire de professionnels, tant pour le commerce que pour la diffusion des idées. Ouvrir un blog est bel et bon, et quelques-uns se lancent encore, mais désormais, l’essentiel se joue sur les réseaux sociaux et sur les sites de presse en ligne. À chaque fois, ce sont les journalistes qui sont les maîtres du jeu. Le “blogueur” est lu et vu s’il est repris par les sites de presse ou retwetté par un “forçat influent”. Seuls quelques blogs émergent, parmi les plus anciens. À un nouveau qui se lance et qui a véritablement des choses intéressantes à dire (c’est-à-dire une infime minorité), plutôt que d’ouvrir un blog, devenez chroniqueur chez un pure player. C’est ce que fait par exemple Jean-François Copé, en publiant régulièrement sur Slate. Moins contraignant et beaucoup plus efficace que de tenir un blog. Ces sites de pure player sont en plus très demandeurs de contributeurs de qualité. L’amateur qui tient son blog café du commerce est sympathique, mais sera de plus en plus marginal. Les regroupements qui, en 2005-2006, tenaient le haut du pavé se sont délités, laminés par la force de frappe des professionnels. Les blogrolls (à commencer par la mienne) ressemblent à des cimetières et l’essentiel de la conversation et de la recommandation, c’est Facebook-Twitter.

Aucun ne représente plus que lui-même et son petit cercle

La liste des invités du diner Besson est éloquente. Certes, il y a des gens très intéressants, mais aucun ne représente plus que lui-même et son petit cercle. Aucun ne pèse vraiment en terme d’audience, malgré une certaine notoriété. En terme de représentativité, c’est le néant absolu ou presque. Qu’avaient donc à dire ces blogueurs au ministre en charge de l’économie numérique ? Emery Doligé a pu poser trois questions, dont deux ne portaient pas sur le numérique ou sur les compétences ministérielles d’Éric Besson. Je suppose que le reste était à l’avenant : beaucoup de politique générale et quelques questions très générales ou sur des points récurrents (Hadopi, Loppsi…) sur l’Internet.

La société numérique, c’est désormais autre chose. Il y a des enjeux de pouvoir et d’argent qui sont devenus énormes. Beaucoup trop lourds pour de simples amateurs comme les blogueurs, qui de toute manière, n’ont pas les compétences pour les traiter. Le vrai boulot va se faire maintenant au sein du CNN, où il faut des chefs d’entreprise, des juristes, des techniciens de l’informatique et de l’Internet. Le blogueur y aurait sa place en tant qu’usager, mais c’est à peu près tout.

En fait, ce diner chez Éric Besson, ça ressemblait à une rencontre entre le directeur marketing d’une entreprise et un panel de consommateurs.


Article initialement publié sur le blog d’Authueil.

Illustration CC FlickR:Johan V.

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