Manifeste « en défense des droits fondamentaux sur Internet »
Publié il y a deux ans, ce texte avait été écrit en réaction à la ley Sinde. Cette loi jugée liberticide par des internautes a joué le rôle d'étincelle dans la révolte actuelle des Espagnols contre le système.
[MAJ 22 mai 2011] Le manifeste « en défense des droits fondamentaux sur Internet » a été publié en décembre 2009 en réaction à la Ley Sinde, loi jugée liberticide par des internautes espagnols. Écrit dans une nuit d’urgence rageuse, massivement diffusé, il obligea le gouvernement à faire volte-face dans un premier temps. Si nous republions aujourd’hui ce texte, c’est qu’il préfigurait la révolte actuelle en Espagne, comme l’explique un de ses rédacteurs, le professeur Enrique Dans, spécialiste des systèmes de l’information :
L’origine, le déclenchement
C’est le moment où les trois grands partis, PSOE, PP et CiU, forment un pacte pour faire passer la ley Sinde, en contradiction flagrante avec la volonté d’une grande majorité de citoyens, pour faire plaisir à un lobby. Attention, ceci n’est que le début, le détonateur : à l’heure actuelle, cela n’a déjà plus d’intérêt ou de pertinence dans les manifestations. Mais en voyant l’acharnement pathétique à “faire passer cette loi à tout prix” alors que l’ensemble du réseau s’était soulevé contre elle, le relayer en direct a eu le même effet – avec tout le respect dû aux tunisiens et en demandant pardon d’avance pour la comparaison tragique – que le suicide de Mohammed Bouazizi s’immolant en Tunisie. De l’activisme contre la ley Sinde est né le mouvement #nolesvotes (ne votez pas pour eux), en plus de la cristallisation d’un climat de mécontentement évident contre toute une manière de faire de la politique.
Clin d’œil, enfin, au rôle joué par Internet dans la naissance de ce mouvement.
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Le Conseil des Ministres approuvera ce vendredi 19 mars à Séville – le jour du pont de San Jose- ce monstre appelé « Loi sur l’économie durable », qui inclut la fameuse « Loi Sinde » (du nom de la ministre de la Culture Ndlr) permettant la fermeture de pages web en quatre jours seulement. Je me joins aux blogs qui repostent aujourd’hui le manifeste de décembre dernier. C’est la première fois que se répète un article dans ce blog, mais l’extrême gravité du sujet le mérite bien. Si vous aussi, vous publiez des pages sur le web, si vous avez publié ce manifeste à un moment ou si vous considérez le web comme une chose importante, je vous invite à faire de même :
Face à l’inclusion, dans le projet de loi de l’économie durable, de modifications législatives qui affectent le libre exercice des libertés d’expression, d’information et le droit à l’accès à la culture via Internet, nous, journalistes, bloggeurs, usagers, professionnels et créateurs d’Internet, manifestons ensemble notre opposition ferme au projet et déclarons que :
1. Les droits d’auteur ne peuvent se situer au-dessus des droits fondamentaux des citoyens, comme le droit au respect de la vie privée, à la sécurité, à la présomption d’innocence, à la tutelle judiciaire effective, et à la liberté d’expression.
2. La suspension des droits fondamentaux est et doit rester une compétence exclusive du pouvoir judiciaire. Ni fermeture ni sentence. Cet avant-projet, contraire à l’article 20.5 de la Constitution donne à un organe non judiciaire -un organisme dépendant du ministère de la Culture -, le droit d’empêcher les citoyens espagnols d’accéder à une page web.
3. La nouvelle législation créera de l’insécurité juridique dans tout le secteur technologique espagnol, et portera ainsi préjudice à un des seuls champs qui peut permettre le développement de notre économie et assurer son futur, entravant la création d’entreprises, créant des barrières à la libre concurrence et entravant son essor international.
4. La nouvelle législation proposée menace les nouveaux créateurs et gêne la création culturelle. Avec Internet et les avancées technologiques qui ont suivi , la création et l’émission de contenus en tous genres se sont démocratisées de façon extraordinaire. Ces contenus ne proviennent plus des industries culturelles traditionnelles mais de nombreuses sources différentes.
5. Les auteurs, comme tous travailleurs, ont le droit de vivre de leurs activités à l’aide de nouvelles idées, de nouveaux modèles d’entreprise et autres activités liées à leurs créations. Soutenir, ou essayer de le faire par des nouvelles lois législatives, une industrie obsolète ne sachant pas s’adapter à ce nouvel environnement n’est ni juste, ni réaliste. Leur activité se basait sur le contrôle des copies des œuvres, chose impossible à faire sur Internet sans empiéter sur les droits fondamentaux. Ils se doivent donc de trouver un autre modèle d’entreprise.
6. Nous considérons que les industries culturelles ont besoin d’alternatives modernes, efficaces, crédibles, accessibles et adaptées aux nouveaux usages sociaux pour survivre, au lieu d’utiliser des limitations tant disproportionnées qu’inefficaces pour parvenir à leur fin.
7. Internet doit fonctionner de façon libre et sans aucune intervention politique, bien souvent soutenue par des secteurs qui prétendent perpétuer des modèles (obsolètes) d’activité et d’entreprise et empêchant de cette façon le partage libre du savoir et de la connaissance.
8. Nous exigeons que le Gouvernement garantisse par la création d’une loi, la neutralité du web en Espagne, faisant face à une éventuelle pression, dans le but de créer un cadre de développement d’une économie durable et réaliste en tenant compte du futur.
9. Nous proposons une véritable réforme du droit de la propriété intellectuelle orientée vers son but : redonner le savoir et la connaissance à la société, promouvoir le domaine public et limiter les abus des entités gestionnaires.
10. En démocratie, les lois et leurs modifications doivent être approuvées après un débat public nécessaire et après avoir consulté toutes les parties impliquées. Il est inacceptable que des changements législatifs affectant les droits fondamentaux se fassent alors que la loi n’est pas organique et qu’elle porte sur une autre matière.
Billet repris du blog d’Enrique Dans, traduit par Anaïs Martinez
MAJ 22 mai 2011 : Image flickr de Mataparda (cc-by-sa) Elle représente la ministre de la Culture, Angel Gonzales Sinde affublée des oreilles de Mickey.
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