#opendata 2/2: L’internationale de l’opendata ?
Quelles sont les conditions pour qu'un pays décide de libérer ses données publiques afin que les citoyens s'en saisissent? Est-ce possible uniquement dans nos démocraties occidentales?
Cet article continue l’analyse du rapport de Becky Hogge publié par l’Open Society Institute. On s’intéresse ici aux conditions qui font qu’un pays décide de libérer ses données.
Conditions d’exportabilité de l’ouverture des données
La seconde partie du rapport de Becky Hogge étudie les conditions de réussite d’une transplantation de la stratégie d’ouverture des données en dehors des démocraties occidentales.
Pour cela l’auteur de l’étude a conduit des entretiens avec un grand nombre d’experts – juristes, responsables de systèmes informatiques, spécialistes de la transparence fiscale ou de la gestion budgétaire, représentants de la société civile, etc., – de différents pays -Inde, Kenya, Tanzanie, Afrique du Sud, etc.-.
Grille de questionnement pour évaluer les possibilités d’implantation d’une stratégie d’opendata
Le rapport préconise bien sûr de porter attention aux trois principaux niveaux d’influence dans la première partie de cet article :
- Les sociétés civiles locales s’approprient-elles déjà les bases de données gouvernementales existantes ? Quelle est la culture technologique de la société civile ? Existe-t-il des groupes de « civic hackers » ? Existe-t-il des mouvements anti-corruption dans le pays ? et peuvent-ils devenir des partisans de l’opendata ?
- De quelle influence disposent les échelons intermédiaires du pouvoir ? S’intéressent-t-ils à l’ouverture des données ? Y ont-ils intérêt ? Où en est l’e-gouvernement ? Les sphères intermédiaires de l’administration sont-elles en relation avec la société civile ?
- Les dirigeants politiques considèrent-ils l’opendata comme une source d’avantage politique ? Quels leaders politiques gagneraient à l’ouverture des données ? Lesquels y perdraient ?
Il introduit également un quatrième acteur : les bailleurs de fonds internationaux.
- Quel niveau d’implication des bailleurs de fond internationaux dans le budget du pays ? Les donateurs sont-ils eux même transparents sur l’argent versé ? L’administration rend-elle des comptes sur l’utilisation des aides internationales ? La transparence a elle été posée comme condition à l’octroi d’aides financières ?
Il insiste sur l’importance de la collecte des données et leur statut juridique.
- Existe-t-il une collecte de données publiques institutionnalisée ? Les données sont-elles mises à jour régulièrement ? Sont-elles numérisées ? Le sont-elles dans un format ouvert et lisible par les machines ? Sont-elles protégées par copyrights ? Font-elles déjà l’objet de transactions commericales ? Quelles sont les lois du pays concernant la propriété intellectuelle ?
Enfin, le rapport recommande d’étudier le besoin de données des utilisateurs finaux.
- A quel point la presse est-elle libre dans le pays ? Trouve-t-on facilement de l’information sur l’activité gouvernementale sur Internet ? Existe-t-il des groupes de citoyens qui pourraient avoir usage des données libérées ? Quel est le niveau de pénétration de l’internet et du téléphone mobile dans le pays ?
Les barrières à l’instauration d’une politique de libération des données
L’Open Data Study pointe également certaines réserves. Tout d’abord, une partie des experts interrogés ont souligné que dans certains pays aux législations fragiles ou récentes, une stratégie de libération des données publiques pourrait parasiter le combat pour le droit à l’information.
D’autres ont fait valoir que dans les pays en voie de développement économique, l’ouverture des données publiques était loin d’être un levier prioritaire pour améliorer la croissance.
Beaucoup d’experts sont sceptiques sur la disponibilité des données publiques, et dans un format numérique. Il n’existe pas partout de gros volumes de données qu’il suffirait de libérer. Bien souvent la matière première fait défaut, elle n’existe pas où elle est de mauvaise qualité (format papier, problèmes orthographiques, approximations).
L’International Budget Partnership rapporte que 80% des pays ne rendent pas suffisament compte de leurs dépenses budgétaires. Cet organisme militant pour l’accès du public aux données budgétaire fournit aussi une carte des pays les plus transparents.
Déterminer des fenêtres d’opportunités
Aux Etats-Unis comme en Grande-Bretagne, l’ouverture de portails de données publiques a été favorisée par l’agenda politique.
L’Open Data Study passe en revue quelques typologies de la vie politique d’un pays qui se prêtent particulièrement bien à une stratégie d’ouverture des données publiques :
- Le contexte d’une toute nouvelle administration portée au pouvoir par un mandat populaire pour remplacer un régime corrompu ou politiquement désavoué peut jouer en faveur de l’opendata.
- Dans les pays en rapide croissance économique, l’ouverture des données publiques peut être perçu par les dirigeants comme un moyen de lutter contre la corruption, obstacle à l’efficience économique (le rapport prend l’exemple de la Chine)
- La pression régionale peut aussi jouer un rôle, par exemple en Malaisie qui a conscience d’être à la traîne de ses voisins en matière de transparence.
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