Les débuts du crowdsourcing appliqué au journalisme
Expérimentation ou nouvelle source de financement du journalisme? Spot.US exposait lundi à quelques journalistes son modèle, que commencent à adopter d’autres start-ups. Dont le Français, Glipfix, qui se lance le 27 octobre.
Cofinancer les reportages et sujets d’investigation qu’il aimerait lire: le rêve de tout lecteur, un journalisme sur mesure qui est en train de prendre ses marques. Et auquel se greffent de nouveaux pure players de l’information.
Depuis maintenant deux ans, sur sa plateforme participative, la start-up américaine Spot.US , comme on en parlait ici, propose aux internautes de soutenir financièrement des idées de reportages qu’ils aimeraient lire, soumises sur le site par des journalistes indépendants. Ou comment le crowdfunding (levée de petites sommes d’argent auprès d’internautes), appliqué au domaine culturel, s’étend au journalisme.
Son fondateur, le journaliste David Cohn, est venu parler de son concept devant une poignée de journalistes, lors d’une masterclass organisée lundi par Citizenside et le World Editors Forum.
Reportages à la demande
Le concept, donc : comme ces sites musicaux où les internautes peuvent plébisciter et financer en ligne, et donc permettre aux artistes de se faire produire par des internautes (tel MyMajorCompany), SpotUS propose aux internautes de choisir le sujet d’article (leur story favorite) qui les intéresse le plus, parmi les propositions de sujets présentés sur le site par des journalistes freelance. Du journalisme à la demande, en somme : « Dans un resto, si le serveur décide de ce que vous allez manger, vous faites demi-tour. C’est pareil avec les médias aujourd’hui », estime David Cohn.
Non Profit Organization
Plutôt qu’une start-up, Spot.US se définit comme une « non-profit organization », un « projet à but non lucratif visant à être pionnier du journalisme payé par la communauté », précise David Cohn. Sur son site Internet, Spot.Us déclare d’ailleurs vouloir permettre au public « de lancer des enquêtes avec des donations déductibles fiscalement, sur des sujets importants et peut-être négligés » (sous-entendu par les rédactions classiques).
Pour autant, un modèle économique s’esquisse: outre les donations effectuées par les internautes (ils peuvent soutenir Spot.Us en plus de leurs financements d’articles), Spot.US vit du mécénat (donateurs privés), mais aussi de publicité. Et ce de manière originale : ici, pas de bannières, mais depuis le mois de juillet, les annonceurs peuvent proposer des sondages en ligne : l’utilisateur qui accepté de d’y répondre reçoit 5 dollars à dépenser pour financer un des articles sélectionnés par l’annonceur.
Le site compte ainsi une audience moyenne de 2 000 pages vues par jour, une communauté de 2 000 membres, et en moyenne « 5 articles publiés par semaine ».
No comment en revanche sur le chiffre d’affaires. Le record en termes de financements? « Trois de nos sujets ont reçu 13 000 dollars de financements », précise David Cohn. De quoi faire rêver tout grand reporter…
Un des reportages les plus impressionnants cofinancés par les internautes était ainsi consacré à l’histoire d’un amas de déchets flottant dans l’océan Pacifique. Consécration du concept de Spot.US, le quotidien le New York Times avait précommandé ce reportage, publié dans ses pages en novembre 2009.
Résultat, les frais engagés par la journaliste Lindsey Hoshaw pour réaliser son reportage lui ont été réglés d’avance non pas par le commanditaire de cet article, le NY Times, mais par des centaines de donateurs, via Spot.US. Elle a récolté 6 000 dollars de dons.
Ce qui permet donc de financer des reportages aux coûts (déplacements, etc) parfois élevés, surtout pour des journalistes indépendants, qui doivent habituellement avancer les frais avant de les voir couverts par la rédaction qui publiera leur papier. Qui plus est, cela donne au journaliste le temps d’enquêter en profondeur. Du temps et des moyens, une denrée qui se raréfie d’ailleurs pour les journalistes dans les rédactions.
Déclinaisons à l’étranger
En tous cas, le concept commence à faire florès un peu partout dans le monde : avec Gojournalism.ca au Canada, YouCommNews.com en Australie, Spotus.it en Italie… Même un portail dédié au cofinancement de projets de photojournalisme a vu le jour, Emphas.is.
Version bêta publique de Glipfix le 27 octobre
En France aussi, le premier site dédié au co-financement de reportages s’apprête à voir le jour. Glifpix, en sommeil depuis un an, sera lancé le 27 octobre, annonçait hier la newsletter spécialisée Satellinews.
« Nous allons lancer notre plateforme en version bêta publique », confirme à Owni.fr Hélène Huby, directrice de projet chez FaberNovel. La société dédiée à l’innovation va financer Glipfix pendant 6 mois, durant lesquels « nous allons tester le concept, et selon les retours des utilisateurs, esquisser notre modèle économique », précise Hélène Huby.
Pour développer la plateforme technique de Glipfix, les partenaires (JamesSpot, Exalead, BayardPresse, Bearstech et FaberNobvel) avait déjà reçu une dotation de 250 000 euros par le ministère de économie et des Finances.
Deux journalistes (Sylvie O’Dy et Hala Kodmani) qui étudieront les propositions de sujets. « Les sujets d’investigation, de reportage demandant du temps, seront privilégiés », précise Hélène Huby.
Un autre petit nouveau devrait émerger sur le même modèle en France : J’aime l’info déjà présenté ici, et que l’équipe de Rue89 [disclaimer : média auquel je collabore] devrait dévoiler le 22 octobre, lors de la Journée de la presse en ligne, organisée par le SPIIL.
À suivre…
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Crédit photo CC FlickR par st bernard
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