Le salut du clubbing parisien est en banlieue !

Le 25 novembre 2010

Alors que la pauvreté de la vie nocturne parisienne est régulièrement montrée du doigt, Florian Pittion-Rossillon affirme que son salut se trouve au-delà du périphérique, et nous explique pourquoi.

Florian Pittion-Rossillon écrit avec brio sur le monde de la nuit, et propose des réflexions et interviews de grande qualité sur son blog Culture DJ

Le clubbing parisien vient de finir son auto-auscultation. Il a fallu pas moins que des Etats généraux de la Nuit Parisienne côté Mairie de Paris les 12 et 13 novembre, et la première édition des Nuits Capitales du 17 au 21 novembre, pour que de nombreux spécialistes s’enhardissent à réaffirmer l’espoir d’un clubbing heureux à Paris.

En précisant qu’en 2010 et la décennie qui arrive, c’est un secteur économique qui pèse lourd dans les villes où il est dynamique. On ne parle donc pas d’un caprice de bobos geignards. Il s’agit en fait de se donner les moyens de mettre Paris au niveau de Londres, Berlin, Rotterdam, Barcelone, Milan, où le New Clubbing en tant que culture épanouie bénéficie au tourisme en tant qu’industrie.

Et justement, à observer les raisons du succès de ces métropoles, on peut tenter une idée folle : l’avenir du clubbing parisien est en banlieue. Toutes les Nuits Capitales ne règleront pas la question centrale du manque d’espace intra-muros. Alors que la petite couronne (92-93-94) est couverte de grues, de friches – et d’entrepôts qui il y a 15 ans ont pu faire le bonheur de quelques free parties. En banlieue il y a de la place, en banlieue on peut faire du bruit, le voisinage sourcilleux de l’acouphène y est moins vif.

Précisions sur ce que recouvre le terme fantasmatique de banlieue, avant que ne s’élève le chœur des pleureuses pour qui la vie se passe dans les arrondissements à un chiffre. Donc, en l’espèce : la banlieue est l’espace géographique entourant Paris (selon Wikipédia, le site préféré de Michel Houellebecq : « La banlieue désigne la zone urbanisée située autour de la ville-centre, cela comprend aussi bien des quartiers pavillonnaires que des quartiers plus populaires. La notion est donc socialement neutre et correspond à une réalité physique. »). La banlieue ne se définit pas par ses mythes : voitures brûlées, combats de chiens, trafics à ciel ouvert. Et à vrai dire, la banlieue, seuls ceux qui en viennent savent de quoi il est question.

Début de solution

La banlieue qui nous intéresse est celle qui est accessible par le métro, donc rapidement et pour pas cher. Issy-les-Moulineaux (ligne 12), Boulogne (lignes 9 et 10), Courbevoie (ligne 1), Asnières (ligne 13), Gennevilliers (ligne 13), Saint-Ouen (ligne 13), Saint-Denis (ligne 13), Aubervilliers (ligne 7), Pantin (ligne 5), Montreuil (ligne 9), Maisons-Alfort (ligne 8), Ivry (ligne 7), Villejuif (ligne 7), Malakoff (ligne 4), Montrouge (ligne 4). Le STIF (Syndicat des Transports d’Ile de France) travaille à un métro circulant toute la nuit entre le samedi soir et le dimanche matin.

Ami parisien, fais-toi violence, vainc tes atavistiques réflexes anti-banlieue et calcule le temps de trajet entre un club, dont tu sors à 6h le dimanche matin, et ton domicile, selon deux hypothèses : 1 : le club est situé en centre ville. 2 : le club est situé près du terminus d’une ligne de métro. Un début de solution fraye alors son chemin entre toutes les couches sédimentées de snobisme anti-banlieue.

La banlieue, seuls ceux qui en viennent savent de quoi il est question.

La banlieue n’est pas loin. Elle est toujours moins éloignée que Londres et les autres. Le chœur des pleureuses se fait toujours entendre ? Le problème ne serait donc pas la distance ? Eh bien non… Le problème, c’est l’offre. Personne n’ira en banlieue pour une offre clubbing similaire à celle qui existe déjà intra-muros. On ne parle pas de délocalisation de l’existant, mais bien de nouvelles promesses festives, correspondant à un nouvel espace.
Pour résumer l’équation du clubbing en banlieue : nouvel espace = nouvelle offre.

Confusion entre rareté et prestige

Du point de vue du public : il s’agit d’une nouvelle offre de prestations, à tous les étages. Artistique, son, confort, accueil, le tout bien mis au carré par une saine équation de rapport qualité-prix. Le public New Clubbing est éduqué, il est prêt à payer, mais il en veut pour son argent. Les limiteurs de son et les prix du bar exacerbés, non merci.

Du point de vue des organisateurs : il est question de nouveaux modèles de contrats avec les lieux. Modèles inspirés de ce qui fonctionne dans le reste de l’Europe, et reconnaissant l’expertise de l’organisateur. Par exemple, le lieu peut fournir un budget à l’organisateur pour la direction artistique et une partie de la promotion. Modèle rôdé… partout ailleurs. Car à Paris les lieux confondent parfois l’intérêt que suscite leur rareté avec leur prestige. Ils fonctionnent parfois encore sur le mode « les lieux se remplissent automatiquement car ils sont rares » + « les organisateurs peuvent subir toutes les pressions car il y en aura toujours pour accepter toutes les conditions même les pires » = « la nuit rapporte ».

Quels plaisirs ?

Un public capable d’aller clubber à 1000 kilomètres pourra aller clubber à 5 kilomètres, mais pas pour retrouver en zone 2 SNCF la même chose que dans les arrondissements à un chiffre.

Reste à définir ce qu’est un organisateur de soirées. Entre expert de la logistique évènementielle et pourvoyeur de fantasmes, le champ est vaste, les réponses sont multiples, les candidats nombreux.

D’où la question : « Nuits parisiennes : quels organisateurs pour quels plaisirs ? ».

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Article initialement publié sur Culture DJ

Crédits photos : FlickR CC jean-fabien

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