Pourquoi ProPublica se met à la publicité ?
Le site de journalisme d'investigation non-lucratif a décidé de placer des publicités sans pour autant compromettre sa légitimité éditoriale. Voici comment.
Allez jeter un œil au site de ProPublica, et vous noterez peut être qu’à coté des articles de blog, des boutons de dons, des projets spéciaux, et de tout ce qui fait la réputation de ce site de journalisme d’investigation, est apparu une nouvelle fonctionnalité : des bannières publicitaires. A partir d’aujourd’hui, le site internet va afficher des publicités afin de compléter les dons des différentes fondations partenaires ainsi que des lecteurs : ses deux principales sources de revenu.
“Nous avons attendu longtemps avant de le faire, ce n’était qu’une question de temps” m’a expliqué Richard Tofel au téléphone.
ProPublica n’est pas le seul à s’aventurer dans le domaine de la publicité caritative. Un certain nombre de site semblables dont California Watch, Texas Tribune, Voice of San Diego, et MinnPost affichent des messages sponsorisés de manière directe via des partenariats communautaires ou des souscriptions d’entreprises. Comme l’a expliqué Tofel dans un billet de blog expliquant et annonçant la démarche : “Nous le faisons dans l’objectif habituel : générer des recettes permettant d’alimenter nos activités, promouvoir ce que les personnes dans le milieu appellent la “durabilité”.”
Les revenus ainsi perçus ne seront certainement pas supérieurs à ce que rapportent les autres canaux de financement de ProPublica. Le site avait 1300 donateurs en 2010, en plus des 3,8 millions de dollars accordés par la Fondation Sandler. Or la publicité web étant ce qu’elle est, les revenus publicitaires seront probablement une goutte d’eau par rapport aux donations. “Compte tenu de ce qui s’est passé ces cinq dernières années pour des prévisions raisonnables et comparables à notre audience (ndrl : plus de 1 million de pages vues mensuelles), il ne s’agira pas d’un montant très important”.
En somme, rien de comparable avec le Huffington Post, tant en termes de revenus que de contenu. Les annonces ProPublica seront délivrées via le réseau Public Media Interactive Network, un réseau de publicités web opéré par National Public Media lancé en 2008 pour vendre les espaces publicitaires vacants sur NPR.org et PBS.org. Mais ce réseau s’est récemment étendu aux sites d’information non-lucratifs (dont Texas Tribune et MinnPost feraient d’ailleurs partie selon ce communiqué de presse). Ce réseau vend des packs : les éditeurs peuvent ainsi sélectionner ou non des packs de publicités à afficher sur leur site. “Nous avons regardé la liste des annonceurs et pour le moment, aucun d’entre eux ne nous a semblé problématique.” précise Tofel. Pas de “Perdez 3 kilos en 1 semaine” ou autres monstruosités… Et puis surtout, comme le dit Tofel : “Il est de notre ressort d’accepter ou non un annonceur qui nous est proposé”. ProPublica a d’ailleurs publié une charte d’acceptabilité des publicités qui stipule :
Tout d’abord, ProPublica se réserve le droit d’accepter ou de rejeter n’importe quelle publicité ou parrainage qui nous est proposé.
ProPublica refusera toute publicité qui est réputée ou supposée trompeuse, frauduleuse, illégale, ou qui omettrait de se conformer au normes de décence, de gout ou de dignité. Ces conditions demeurant à la discrétion seule de ProPublica.
ProPublica, comme tout éditeur de journalisme de qualité, maintient une séparation claire entre les informations publiées et le contenu publicitaire. Les publicités qui tenteraient de brouiller cette distinction seront rejetées.
Voilà une approche qui permet à la fois de prendre le meilleur tout en évitant le pire. Tofel explique : “il s’agit de lâcher un peu de latitude sans risquer de tomber dans des situations inconfortables – ou pire, qui nuiraient à la confiance des lecteurs”
Cette relation avec les lecteurs – qui en définitive, considère l’audience de ProPublica non pas comme un collectif anonyme mais comme des individus dans le meilleur des sens : des amplificateurs de messages – restera constante chez ProPublica y compris avec cette stratégie publicitaire. Comme nous le verrons, promet Tofel, les partenariats existants avec d’autres médias (48 rien que la dernière année – ce qui est rare dans le milieu) continueront d’envoyer du trafic vers d’autres sites, partenaires ou autres.
Même si l’intégration de bannières publicitaires implique un intérêt à conserver et faire grossir le trafic vers ProPublica, Tofel rappelle : “nous ne sommes pas là pour faire de l’argent, nous sommes ici pour provoquer du changement, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Mais nous avons besoin d’argent pour maintenir le navire à flots, ceci non seulement pour aujourd’hui et demain, mais aussi et surtout pour un futur plus lointain.”
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Article initialement publié sur Nieman journalism Lab
>> photos flickr CC Propublica ; mammal ; Trey Ratcliff
Traduction : Stanislas Jourdan
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