Taxation, Régulation, Subvention: la mafia de la Culture tourne en rond
A l'occasion d'un énième colloque sur l'économie de la culture à l'heure du numérique, les représentants du secteur ont une nouvelle fois montré leur incapacité à réfléchir la culture autrement que par des logiques passéistes.
Le Mercredi 26 Janvier, la Commission de la Culture du Sénat a organisé une table ronde sur la “création dans le monde numérique”. Celle-ci a été enregistrée et retransmise sur la chaîne Public Sénat, la vidéo est par ailleurs disponible sur Dailymotion. Ce fut un festival, une longue litanie de gémissements apocalyptiques et un torrent de revendications provenant de la Mafia de la Culture, avide d’argent, tout ceci étant dissimulé comme il se doit sous le leitmotiv de la protection de la sempiternelle “diversité culturelle”, et autres jolis concepts prêts-à-rapporter.
Il y fut beaucoup question de la Hadopi, la merveille des merveilles, l’aboutissement splendide de la régulation d’Internet. Dans la salle, seuls ses zélés partisans avaient été invités (ou presque).
Tout a commencé avec Michel Thiollière, membre du parti radical, pour qui la Hadopi va réussir, c’est sûr et certain. Comment pourrait-il en être autrement puisqu’il considère la haute autorité comme “salutaire pour le pays”, rien que ça. C’est un partisan de la régulation d’Internet : « A titre personnel, je suis convaincu que la régulation est un bon mode de fonctionnement des sociétés modernes, on ne peut contraindre dans une société libre contemporaine, et on ne peut pas non plus laisser filer certains fondements de notre société. C’est la raison pour laquelle la Hadopi est une autorité de régulation qui permettra de trouver un équilibre entre les deux ».
Puis, vint le tour du sénateur UMP Jean-Pierre Leleux, qui supplia : « La Hadopi ne doit pas se désarmer, elle ne doit pas se laisser affaiblir par une partie de l’opinion publique qui souhaite instaurer sur les réseaux une liberté qui va à l’encontre de ce que nous souhaitons, une trop grande liberté ». Au moins, il a bien compris que nous ne voulons pas de leur machine à gaz inutile et coûteuse, mais il ne veut pas nous entendre. Il ne faut surtout pas écouter nos arguments ! On ne sait jamais, au cas où certains se laisseraient convaincre ! Bouchez-vous les oreilles !
Comme un bonheur n’arrive jamais seul, cette table ronde ne pouvait avoir lieu sans la présence de Bernard Miyet, le Président de la SACEM, vous savez de qui il s’agit, non ? Celui que la Cour des Comptes accuse de détourner l’argent destiné aux artistes pour financer son salaire mirobolant ? Bon, et bien, il était là aussi celui-là. En fait, il est surtout venu pour réclamer auprès des sénateurs une “contribution compensatoire”, car tout plein de vilains internautes s’échangent et écoutent de la musique sans forcément la payer. En clair, il veut que l’Etat, et donc les contribuables financent directement son compte bancaire les artistes. Racketter les salons de coiffure et les petites associations sans le sou, ça ne suffit plus, passons à la vitesse supérieure !
Par ailleurs, en parlant de ça, un autre scandale. Vous saviez que la Mafia avait accès aux données du fisc, sous prétexte qu’elle “assumerait une véritable mission d’intérêt général”, argument défendu par tous les députés même de gauche ? Il a également demandé que le cahier des charges de France Télévisions soit revu pour “obliger” les chaînes publiques à diffuser de la musique française aux heures de grande écoute, avec l’instauration d’une politique de quotas…
Enfin, après environ 1 heure et demi de récriminations du même type, un miracle ! L’intervention de Guiseppe de Martino, le Président de l’ASIC, permit enfin d’entendre une vision un peu plus positive d’internet. Sur Slate, il en a fait un résumé. Il estime que les entreprises Web financent déjà la création depuis la signature de nombreux accords : “Ces versements, peut-être encore modestes, sont en quelque sorte des petits ruisseaux qui feront bientôt les grands fleuves qui irrigueront les champs de la création”. De toute la salle, c’est le seul qui a avancé l’idée absolument taboue qu’Internet était “l’avenir de l’industrie culturelle”. Le seul.
Ce matin, j’apprends que la loi a été modifiée en pleine nuit par les députés pour donner à la Hadopi “le droit de piocher dans son budget pour subventionner des projets innovants participant au développement de l’offre légale.”
Taxation, Régulation, Subvention. Le trio perdant des secteurs déclinants, qui tient lieu d’unique politique économique appliquée en France. Comme l’a si bien dit Xerbias : “Une subvention peut-être utile lorsqu’elle est temporaire, pas lorsque les difficultés d’une entreprise ou d’un secteur sont structurelles, et que le flux d’argent ponctionné sur le reste de l’économie ne servira qu’a prolonger indéfiniment une honteuse agonie”.
Je vous invite à regarder la vidéo. Voir des dinosaures, toujours en vie, mais déjà complètement fossilisés, c’est ma foi un spectacle fascinant. Je pourrais même payer pour ça… :)
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Article initialement publié sur Singularité & Infosphère
>> photos flickr CC Marke Clinger ; Jean-Pierre Dalbéra
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