Le folklore Internet, des étoiles plein les yeux
À l'occasion de la visite à Paris de Olia Lialina et Dragan Espenschied, retour sur leur concept de web vernaculaire et de quelques éléments le constituant. Des fonds d'écran étoilés aux gifs animés.
Baissez la lumière qu’on puisse voir les étoiles.
C’est ainsi qu’Olia Lialina [en], Net-artiste-chercheur de la Merz Academie [de], s’adresse au régisseur de la Gaité Lyrique le 23 mars dernier, pour introduire son propos. Accompagnée de Dragan Espenschied [en], elle souhaite montrer au public le nombre de fonds étoilés qui peuplaient les sites amateurs du début de l’ère Internet. Le “starry night background” [en] permet selon les intervenants d’associer le désir d’un Internet futuriste avec le mythe de la Frontière [en]. Après le Grand Ouest, l’océan Pacifique et l’espace, Internet constitue à la fin du XXe siècle le nouvel eldorado.
Faisant montre d’une grande déception, Dragan Espenchield annonce que la plupart des sites ont évolué et n’affichent plus en fond que des aplats colorés. Un marqueur temporel de la fin de la culture amateur sur Internet.
Mais le fond étoilé n’est qu’un exemple parmi d’autres identifiés par le couple de Net-artistes de cette culture qui définit le web vernaculaire, selon l’expression imaginée par Olia Lialina dans un essai en ligne [en] publié en 2005. Le couple poursuit son exploration aujourd’hui grâce à l’archive de Geocities [en] récupérée par l’Archive Team et téléchargeable en torrent dans un fichier de plus d’un teraoctet.
Geocities est un service d’hébergement gratuit fondé en 1995 et qui a fermé en octobre 2009. Organisé en différentes communautés, il accueillait un nombre impressionnant de sites amateurs. En plus d’un nombre d’images au format .gif au doux parfum de nostalgie, comme la collection d’images “Under Construction“, un des autres intérêts de la sauvegarde de Geocities, c’est de découvrir de nombreux liens vers le deep web. Les fichiers Geocities archivés permettent en effet de retrouver des URL renvoyant vers des sites de cette époque encore accessibles.
Le travail de ces Net-artistes[en] permet de comprendre la culture de ce web vernaculaire à travers l’histoire de quelques gifs et d’autres usages de ces webmasters do-it-yourself des débuts d’Internet. On y trouve notamment une analyse [en] d’un Felix the Cat tournant sur lui-même ou l’histoire de la dancing woman [en] de Chuck Poynter (que l’on croise dans l’Å“uvre qui se déclenche subrepticement au haut de cet article).
Tous ces éléments servent d’inspiration à leurs Å“uvres. On peut citer les journaux mis au goût de l’Internet [en] grâce à des gifs animés. Ou un autre travail sur le gif [en] à partir d’Olia elle-même, son souhait ultime étant d’être reprise de part le web, accédant ainsi à l’immortalité.
Après cette plongée dans le web d’hier, Dragan Espenschied termine par un constat d’échec. Tous ces éléments se font petit à petit avaler par les machines propres et bien repassées. Facebook, pour ne citer qu’elle, interdit ces formes d’expression en retirant tous les aspects “bricolage” et en n’offrant qu’une coquille vide.
Ce sont avant tout les utilisateurs, et non les usagers, qui ont fait le web et feront celui de demain.
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illustration de tête d’article : In Memory of Chuck Poynter, une Å“uvre d’Olia Lialina & Dragan Espenschied
illustrations de l’article : Felix the Cat en .gif, oeuvre de Olia Lialina et captures d’écran.
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