Les mots socialistes sur DSK
Pendant trois mois, OWNI s'est abstenu de commenter le dossier pénal de DSK. Après son épilogue, et tandis que le PS organise son Université d'été, les datajournalistes d'OWNI analysent le vocabulaire des socialistes sur l'affaire. Et relèvent quelques curiosités. Croustillantes.
À la veille de la primaire du PS qui désignera, dans moins d’un mois, celui ou celle qui se lancera dans la bataille vers l’Elysée au nom de tous les siens, il nous a paru intéressant de rembobiner le fil de “l’affaire Strauss-Kahn”. Pour mettre en lumière les positions des principaux prétendants au mandat suprême telles qu’elles ont été prises dans le feu de l’action.
Cent jours se sont déroulés entre le 14 mai 2011, date de l’arrestation de l’ancien patron du FMI, et le 23 août lorsque le bureau du procureur de New York a annoncé qu’il abandonnait les poursuites contre Dominique Strauss-Kahn.
Cent jours d’exposition médiatique d’une intensité rarement égalée pour celui qui, quelques jours avant son arrestation les mettait tous à l’amende en étant le favori des électeurs de gauche. Autant pour les primaires que pour la Présidentielle.
Indignation, empathie, résignation, indifférence… La ligne officielle socialiste de soutien à DSK se craquèle dès lors qu’on examine les éléments de langage des candidats à l’investiture au fil de la procédure judiciaire.
En juxtaposant sur une ligne chronologique les grands moments de l’affaire avec les réactions des prétendants socialistes, on voit émerger les positions des candidats. Avec parfois des surprises.
Rembobinons-les
Naviguez dans la frise chronologique ci-dessous (en cliquant sur les flèches à droite et à gauche) pour relire les déclarations des candidats à la primaire lors de six moments clés de l’affaire DSK : l’évocation de sa candidature, son arrestation, sa sortie de prison, sa plaidoirie non coupable, la levée de l’assignation à résidence et enfin le jugement de non-lieu.
(Méthodologie : Après avoir croisé les grandes étapes de l’affaire DSK avec les réactions des candidats à la primaire nous avons pris la décision d’exclure Jean-Michel Baylet de nos recherches car ses déclarations sur DSK étaient trop rares. Toutes nos sources sont accessibles ici.)
Des récurrences, des différences
L’analyse des réactions exprimées par les candidats met en avant certains thèmes, certaines idées régulièrement évoquées : la présomption d’innocence, la nécessité de laisser la justice faire son travail, les réactions émotionnelles,…
Cliquez sur “click to interact” puis zoomez dans le diagramme suivant pour vous en rendre compte : les cinq candidats sont reliés aux thématiques lorsque leurs citations évoquent le sujet.
Cliquez également sur le point correspondant à un thème ou au nom d’un candidat pour avoir le détail des relations.
Chacun son ton
Si certains éléments sont évoqués par tous, la diversité de ton employée est inévitable, compte tenu des personnalités de chacun, de leur rôle au sein du Parti Socialiste et enfin de la relation personnelle de chacun avec Dominique Strauss-Khan.
Ainsi le discours de Martine Aubry se veut relativement neutre, convenu et diplomatique. Sa déclaration suite à l’arrestation, est très factuelle : elle évoque un “coup de tonnerre” mais met en garde contre une prise de position trop rapide.
Sa position de première secrétaire du Parti Socialiste est particulièrement présente quand elle sépare clairement ce qui arrive à DSK de l’avenir du Parti Socialiste :
Je veux dire aux Français que, quels que soient les circonstances et les aléas, hier comme aujourd’hui, le parti socialiste est mobilisé pour les comprendre, pour apporter les réponses à leurs problèmes et à ceux de la France, et pour les servir
Un élément sur lequel elle insiste de nouveau, en réaction de DSK : “il s’agit d’un problème personnel pour Dominique Strauss-Khan”.
François Hollande se situe sur un registre plus “énonciatif” comme nous l’apprend l’analyse sémantique de ses citations via le logiciel Tropes.
Ses réactions explorent en effet davantage les hypothèses et conséquences liées aux évènements.
Il demande ainsi de “faire attention, réagir avec émotion mais aussi avec réserve, avec le souci de la justice”, tout en évoquant, avec de très nombreuses précautions, une issue possible, en tout les cas souhaitable de l’affaire :
Peut-être que cette affaire peut se dénouer très vite si on apprend qu’il n’y a aucune charge sérieuse, si ce qui a été dit par cette femme n’est pas vrai, ce que nous souhaitons tous.
Le même ton se retrouve lors de sa déclaration à la sortie de prison “C’est un soulagement (…) en même temps il reste inculpé” et au rendu de jugement de non lieu “C’est à lui, au moment où il le jugera opportun, après probablement un temps consacré à se reconstituer, à retrouver toute sa liberté dans son propre pays, de décider ce qu’il veut faire”.
Les propos tenus par Ségolène Royal sont plus affirmés. Dès sa première réaction, lors de l’arrestation de DSK, elle se place sur le registre de la décence et de l’intérêt de commenter cette affaire : “Il serait indécent d’en faire un feuilleton (…) Le moment n’est pas venu de commenter les conséquences de cette affaire sur la politique intérieure (…) Que chacun garde son calme et sa sérénité.”
Cette idée de “feuilleton” revient dans sa réaction à la sortie de prison de DSK, en allant même jusqu’à parler de danger :
“On ne va pas occulter toute la vie politique française (…) en vivant ce feuilleton de la justice américaine jour après jour (…) Cette affaire occulte la totalité de l’actualité, je pense que ça devient grave pour la démocratie, pour l’efficacité de la politique.”
Lors de la sortie de prison, après avoir évoqué la “violence” et la “brutalité” de cet épisode, elle rappelle avoir été “la première à m’exprimer sur cette affaire en rappelant le principe de la présomption d’innocence.”
Montebourg et Valls, les plus personnels
Les réactions de Manuel Valls et Arnaud Montebourg expriment bien davantage leur avis personnel sur la question, dans des directions radicalement opposées.
Manuel Valls exprime dès le départ sa proximité et son amitié avec Dominique Strauss-Khan, et l’extrême émotion que sucite de fait la nouvelle de son arrestation :
“Je n’ai jamais vu cela et je n’ai jamais ressenti cela (…) Dominique Strauss-Kahn est un ami que je connais de puis longtemps, les images de ce matin sont d’une cruauté insoutenable (…) J’avais les larmes aux yeux (…)”
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Il conserve ce ton guidé par l’émotion et l’amitié tout au long de l’affaire, comme lors de sa sortie de prison “Il faut que la vérité éclate pour nous ses amis, pour les Français qui sont K.O. depuis dimanche”, ou de la levée de l’assignation à résidence “Moi, j’ai cru dès le premier jour à l’innocence de Dominique Strauss-Kahn. Dominique avait eu l’occasion de me dire qu’il était innocent. J’ai toujours cru en son innocence”.
L’analyse sémantique de son discours via Wordle le montre :
Arnaud Montebourg, à l’inverse, était déjà dans une relation d’opposition à DSK, avant même que l’affaire ne débute.
Il ne commente pas l’arrestation de Strauss-Khan. A sa sortie de prison, en revanche, il reste purement factuel “La libération sur parole de Dominique Strauss-Kahn est une nouvelle importante pour lui, sa femme, Anne Sinclair, et sa famille” et met davantage l’accent sur la situation des socialistes
Les socialistes, pour leur part, doivent continuer à tracer leur route vers la victoire de la gauche en 2012, pour bâtir ensemble la Nouvelle France. Ils ont le devoir de réussir les primaires citoyennes dont les modalités et le calendrier n’ont, en l’état, aucune raison de changer.”
Lors de la plaidoirie, il exprime clairement ne jamais avoir soutenu Dominique Strauss-Khan et se évoque “une sensibilité proche de la plaignante.” Lors de l’annonce du non lieu, Arnaud Montebourg explique même son désintérêt pour l’affaire qu’il estime être simplement un “fait divers, je n’ai ni commentaire, ni analyse sur la chronique judiciaire new-yorkaise. Et je ne pense pas que je lui parlerai au téléphone, je suis très pris en ce moment.”
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