[Dataviz] Digitale Martine vs Télématique Sarkozy
OWNI a décortiqué le programme des deux principaux partis politiques français concernant le numérique. Synthèse sous forme de joli poster :)
Cette fois, ça y est ! Internet débarque au cœur de la campagne, fort des 25% de croissance qu’il assurerait à la France ces trois prochaines années. Du coup, les deux principaux partis politiques y vont de leurs propositions.
L’affaire est connue depuis un bail : Internet a la particularité d’être un thème peu voire pas du tout clivant. Malgré des différences interstitielles, les deux partis majoritaires s’accordent sur la neutralité, l’aide aux PME ou la nécessité d’une couverture très haut débit qui frôle les 100%. Ceci dit, le diable est dans les détails et les habitudes des uns et des autres se révèlent dans les choix de mise en œuvre (quand ils ont été tranchés) : forte connotation industrielle du côté droit, penchant sociétal sur le front gauche. Des différences marginales mais signifiantes qui permettent aux uns et aux autres de poursuivre le jeu de la distinction. Ainsi Martine Aubry dans sa déclaration d’intention sur Rue 89, qui se démarquait de l’eG8, cette « production hollywoodienne » ou Éric Besson, qui n’a pas manqué d’afficher sa « surprise » face au programme du PS, critiquant vertement la création d’un opérateur national très haut débit ou l’instauration d’une taxe apparentée à la licence globale. Ouf, la machine à petites phrases restera alimentée. Y compris par Internet.
PS : léger, si léger
Le PS a livré une copie [pdf] plutôt légère, sept pages tout compris, écrite en police taille astigmate, avec marge de 3 cm. Ce digest, issu du Laboratoire des idées, un réseau de travail participatif sous la houlette du député Christian Paul, en charge du numérique, décline le programme en six axes. Le document donne le sentiment d’avoir été rédigé à la va-vite. Il serait moins un cahier des charges que des orientations, ce qui sent l’excuse un peu facile. Il est vrai que le PS n’a pas cinq ans de bourdes à rattraper : sa légitimité est déjà installée sur le sujet.
Un document sans surprise, à la dominante clairement sociétale, à l’image du titre : « La France connectée, dans une société créative, pour tous ». A contrario de la vision beaucoup plus business de l’UMP, ce sont les usagers dans leur ensemble que le texte met en avant : « [la société créative] s’appuie sur toutes les énergies, sur toutes les imaginations : celles des entrepreneurs, des militants associatifs, des chercheurs, des salariés du privé comme du public, des artistes, des retraités, et de tous les citoyens. »
Les lecteurs d’OWNI trouveront dans le texte un certain nombre de propositions/termes doux à leurs oreilles : suppression de la Hadopi, de la Loppsi, renforcement de la Cnil, soutien à la cyber-démocratie, notion de biens communs, parmi lesquels les logiciels libres, la neutralité du Net, l’accès wi-fi étendu, une politique d’open data crédible (« conditions permettant leur réutilisation très large, citoyennes ou à des fins d’innovation, sans autorisation préalable ») , ou bien encore la « fin [de] la guerre du partage ».
Pas de chiffres donc, ni de détails sur la réalisation concrète des propositions, ou alors des généralités : « Un plan de déploiement de la fibre optique sur le territoire permettant un accès au haut débit pour tous d’ici dix ans… » ; « un forfait de base [...] inférieur à 10 euros par mois ».
Le document a été complété par une tribune de Martine Aubry, appelant à « une France augmentée » (sic). En attendant, c’est ce programme numérique qu’on aimerait bien voir augmenté.
UMP : chasse aux bourdes
Côté majorité à l’inverse, on mise sur la profusion et le peaufinage. Menée par Laure de La Raudière, à l’origine, en avril dernier, d’un rapport sur la neutralité des réseaux salué de tous côtés, le programme de l’UMP marque une volonté manifeste de se démarquer des erreurs passées.
Avec 33 pages, 45 propositions mobilisant des concepts comme « open data » ou « internet neutre », le parti de Nicolas Sarkozy cherche à se placer dans une expertise qui nous était jusque-là inconnue – à quelques rares exceptions près. Le temps est à « l’humilité », « l’enthousiasme » et « l’accompagnement » de cette « révolution numérique ». Car :
Prétendre s’opposer à un changement de cet ordre sous prétexte qu’il nous oblige à la remise en cause est une absurdité. En revanche, il faut accompagner cette révolution.
Autre signal fort de rupture: Hadopi a disparu ! Ou presque… Il en est question à deux reprises : dans l’évocation du bilan de l’UMP en matière d’Internet (p.18), et aussi, mais en filigrane cette fois, en ouverture de la réflexion. C’est en effet la décision du Conseil Constitutionnel en date du 10 juin 2009 qui amorce le document. Celle-là même qui a fait de l’accès à Internet une liberté essentielle en taclant, au passage, la loi Création et Internet… à l’origine du dispositif Hadopi.
Hadopi envolée, adieu les conflits avec la communauté des interouèbes ? Pas si sûr car, si l’UMP monte en compétences sur ces thématiques, certaines mauvaises habitudes n’ont pas été effacées. Si le recours au juge est souhaité « systématique », il n’empêche qu’il reste conditionné à des « circonstances exceptionnelles » discriminantes et surtout potentiellement fourre-tout. De même, si le parti majoritaire se dit enthousiaste face au réseau, les fameux « risques » de l’Internet demeure. Terre à apprivoiser, à « responsabiliser » (et non plus à « civiliser », le terme ayant déguerpi du champ lexical UMPien), mais terre toujours hostile :
L’un des enjeux majeurs pour la société numérique est la formation des enfants, des parents, des professeurs, des personnes âgées, bref de toute la société, aux outils mais surtout aux usages du numérique, à ses potentialités formidables… et aussi à ses risques.
« Révolution numérique, le meilleur reste à venir », p.5
Illustration Marion Boucharlat pour OWNI /-) Téléchargez le poster
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