L’Ina et Youtube rangent les fusils
Au Tribunal de grande instance de Créteil, YouTube et l'Ina bataillaient depuis plusieurs années. En début de semaine, ils ont annoncé un joli partenariat pour la mise en ligne de près de 60.000 vidéos. Derrière cet effet annonce, un gros contentieux juridique prend fin.
Ce 26 mars, l’Ina et Youtube ont annoncé la mise en place d’un partenariat : 57 000 vidéos provenant du fonds d’archives de l’Institut national de l’audiovisuel vont ainsi pouvoir être directement disponibles sur la plateforme aux 4 milliards de vues par jour.
À en croire leur communiqué commun, place donc à l’ouverture et au partage des contenus. Mais ce partenariat marque surtout la fin des litiges qui opposaient l’Ina à la filiale de Google.
Tout débute en 2006. L’Ina signale à Youtube la présence de vidéos appartenant à son catalogue d’archives, sur la plateforme d’hébergement. Ces mises en ligne “non autorisées” poussent l’Ina à assigner le groupe américain en justice pour contrefaçon. Celle-ci a été reconnue lors d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Créteil en décembre 2010.
Après maints développements de procédure, en guise d’alternative à un procès en appel, l’Ina et Youtube se rapprochent pour sortir du contentieux, comme l’explique Jean-François Debarnot, directeur juridique de l’Institut national de l’audiovisuel :
Les discussions ont mené à la fois à un protocole d’accord qui met fin au litige entre les deux parties en appliquant la condamnation qui a eu lieu en première instance – à savoir que Youtube verse 150 000 euros de dommages et intérêts – et à ce partenariat dit “d’avenir” sur la diffusion des archives de l’Ina sur le site de l’hébergeur américain.
Un bon compromis pour l’Ina qui compte sur la notoriété de ce site d’hébergement pour augmenter sa visibilité et toucher un public différent, notamment les jeunes en ciblant l’aspect communautaire, en terme de partage de vidéos. Et pourquoi pas générer des profits conséquents, grâce aux conditions financières couvrant le partenariat :
Le partenariat tient compte d’un pourcentage reversé à l’Ina sur les recettes publicitaires ainsi qu’un minimum garanti alloué, suffisamment intéressant pour que nous ayons accepté ce contrat. Nous recevrons ainsi le pourcentage sur les recettes publicitaires que si le trafic généré est assez important.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un contrat d’exclusivité puisque l’Ina est également partenaire avec Dailymotion et WatTV, Youtube y voit une occasion d’enrichir son offre culturelle, même si l’intégralité des vidéos dont il disposera est déjà disponible gratuitement sur le site ina.fr.
Ce genre d’alliance est typiquement ce que nous recherchons, assure une porte-parole de Youtube. Les vidéos seront accessibles sur des chaînes thématiques et pourront être mise en valeur selon une période de l’année, une date commémorative par exemple. Pour autant, nous ne mettrons en avant ces vidéos en avant par rapport à d’autres, ce n’est pas ainsi que fonctionne le site.
A travers cette démarche, le géant américain veut montrer qu’il s’engage un peu plus dans le respect des droits d’auteur et de diffusion, démarche enclenchée par ces récents accords avec quatre sociétés françaises de gestion des droits d’auteur, notamment la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Les auteurs ainsi concernés seront rémunérés pour la diffusion de leurs œuvres sur YouTube.
Pour protéger les contenus mis à disposition, les vidéos disposeront d’une empreinte numérique (ou watermarking), Content ID, système gratuit mis en place par la société Google.
Content ID permet la reconnaissance de vidéos qui auraient été récupérées par des utilisateurs tiers. Informée, l’Ina pourra alors décider de soit bloquer la vidéo, soit en tirer de l’argent, soit la laisser telle quelle et même récupérer les données statistiques qu’elle génère.
Une décision qui a de quoi surprendre, quand on sait que l’Ina possède son propre système de détection de copies audiovisuelles appelé Signature. Une technologie de filtrage utilisée pourtant par les autres hébergeurs partenaires de la banque d’archive française ainsi que Canal+, TF1 et même Europa Corp. L’Ina souhaitait pourtant imposer à Youtube sa solution anti-piratage dès décembre 2008, en voulant faire reconnaître devant la justice que le système de Google n’était pas assez efficace. Pour l’heure, Youtube et l’Ina semble avoir trouvé un terrain d’entente, selon Jean-François Debarnot :
On ne pouvait imposer Signature à Google qui posséde déjà sa propre technologie. Mais ce partenariat impose de réfléchir en vue d’optimiser le système de protection à mettre en place.
Technologie hybride en passe de voir le jour ou simple accord commercial, ce partenariat semble en tout cas marquer la fin des hostilités.
Captures d’écran via Ina.fr – Cliquez sur les captures pour accéder aux vidéos
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