Internet, les origines
Mais qui a inventé Internet ? Au cœur de l'été, un débat fait rage de l'autre côté de l'Atlantique pour attribuer la paternité du roi des réseaux. Imputable aux efforts des seules entreprises privées pour certains, dû au gouvernement américain pour d'autres. Plongée dans les origines du Net.
[Lu sur le Wall Street Journal, Slate, LATimes]
Vautrés que vous étiez sur une plage de sable fin (ok, nous aussi), vous avez peut-être loupé l’une des dernières guéguerres en date sur Internet. A savoir : une lutte pour attribuer la paternité du réseau des réseaux.
Car pour certains, pas de doute, les entreprises privées sont les génitrices de ce bien joli bébé. “Contrairement à la légende, il ne s’agit pas du gouvernement [américain]“ peut-on lire dans le Wall Street Journal sous la plume de Gordon Crovitz, ancien du journal et aujourd’hui consultant média et nouvelles technologies.
Publiée fin juillet, sa tribune “Who really invented the Internet?” (“Qui a vraiment inventé l’Internet?”) attribue la paternité du Net à une entreprise made in USA, Xerox, à l’origine d’une autre technologie : Ethernet1. Et réécrit donc au passage l’histoire communément admise, selon laquelle Internet découle des travaux menés dans les années 1960 au sein du DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), une agence du département de la Défense américain. Le fameux “Arpanet”, qui, s’il n’était pas à proprement parler Internet, n’en constituait pas moins un embryon, ainsi que le creuset de la communauté dont les travaux et les découvertes constituent le socle du roi des réseaux.
Un projet du gouvernement
Cette réinterprétation historique n’est pas passée inaperçue, suscitant une déferlante de réactions sur le Net en question. Cité comme référence dans l’article incriminé, le journaliste du LA Times Michael Hiltzik s’est inscrit en faux en réaffirmant dans un article que selon lui, “Internet tel que nous le connaissons est bel et bien né d’un projet du gouvernement.” Et d’ajouter :
Il est vrai qu’Internet a décollé après sa privatisation en 1995. Mais pour être privatisé, il faut d’abord appartenir à l’État.
Sur Slate.com, Farhad Manjoo se fait plus violent, écrivant que “quasiment tout l’article de Crovitz est d’une délirante ineptie” :
Il se trompe sur l’histoire de base, il se trompe sur les technologies qui définissent Internet, et, surtout, il passe à côté de l’importante interaction entre fonds publics et privés nécessaires à toutes les grandes avancées technologiques modernes.
Et le spécialiste nouvelles technologies du site de démonter point par point l’argumentaire de son ancien confrère. En profitant notamment pour rappeler qu’AT&T, gros bonnet des télécommunications américaines, s’était opposé à l’idée d’un ingénieur qui avait imaginé un réseau décentralisé, au fonctionnement rappelant étrangement Internet. Et Manjoo d’enfoncer le clou : “L’affirmation de Crovitz selon laquelle le gouvernement a ralenti le développement d’Internet est aussi complètement crétine. En fait, si vous voulez vraiment reprocher à quelqu’un d’avoir mis des bâtons dans les roues d’Internet, vous auriez tout à gagner en pariant sur la plus grande entreprise privée du pays —AT&T.”
Les commentaires sous l’article de Crovitz (comme sous celui de Slate) ne se veulent pas plus tendres, reprochant également la tonalité politique d’une telle tribune. Celle-ci se fonde en effet sur la critique d’une déclaration récente d’un Barack Obama en campagne :
Internet ne s’est pas inventé tout seul. La recherche publique a créé Internet, pour que toutes les entreprises puissent gagner de l’argent grâce à lui.
Soit un appeau à trolls de choix dans un pays où la libre entreprise est reine, et où le gouvernement est prié de ne pas fourrer son nez partout, et particulièrement dans le business, merci bien.
Au-delà de la bisbille politicienne, ce débat est surtout l’occasion d’ouvrir le grand livre des Internets pour mieux en comprendre les origines multiples et fascinantes. Slate propose d’ailleurs toute une tripotée de liens pour mettre à jour sa connaissance du réseau et je ne saurais que vous conseiller la lecture de Ruling the root, de Milton Mueller pour compléter ces -chouettes- devoirs de vacances.
Illustration CC FlickR : adriangonsalves
- protocole dont le nom est le plus souvent associé à ces câbles magiques qui permettent de se connecter à Internet et à d’autres ordinateurs [↩]
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