Google et l’accès au savoir : le choc des titans. Enjeu : la culture
Dès lors que l’info nous est parvenue voici quelques jours stipulant que Google allait numériser des millions de livres, l’euphorie relative que l’on peut ressentir en de pareil cas s’est un tantinet fait ressentir l’espace d’un tweet… C’est dire si cela ne dure pas. Le modèle de la bibliothèque numérique pourrait être pertinent s’il était « Open source», [...]
Dès lors que l’info nous est parvenue voici quelques jours stipulant que Google allait numériser des millions de livres, l’euphorie relative que l’on peut ressentir en de pareil cas s’est un tantinet fait ressentir l’espace d’un tweet… C’est dire si cela ne dure pas.
Le modèle de la bibliothèque numérique pourrait être pertinent s’il était « Open source», si j’ose employer ce terme. Je ne sache en effet pas que les bibliothèques classiques où, étudiants, nous allions farfouiller dans les rayonnages, aient eu le poids phénoménal de Google sur la Toile.
L’accès au savoir n’est pas, ne doit pas être inclus dans les plans comptables de la firme au moteur pour en faire une simple variable quantifiable financière. Pour mémoire, la numérisation des archives de la IIIème République coûterait 50 millions d’Euros quand l’état accorde grassement 5 millions par an pour numériser les documents de la BNF…
De plus, il ne faut pas oublier que tous les textes ne sont pas consultés de la même façon… qu’en sera-t-il du petit bouquin oublié dans les tréfonds d’une culture sublime mais à laquelle 25 passionnés veulent avoir accès ?
Microsoft et Yahoo! se sont donc ralliés au groupe qui actuellement conteste la décision devant les tribunaux US de confier la numérisation des livres, du savoir, à Google. Les deux groupes font donc dorénavant partie de l’Open Book Alliance dont on ne peut que saluer le mérite et qui compte également parmi ses membres des organismes à but non-lucratif (Google est bien loin là ) et des réseaux de bibliothèques. Il serait pertinent au demeurant que ce mouvement s’étende hors des frontières américaines tant la question de l’accès au savoir est essentielle. Internet n’est pas que Facebook et twitter ou msn.C’est heureusement le cas en France.
Suivant les infos dont nous disposons via Reuters, Amazom.com aurait également rejoint cette alliance, sans que le site ait confirmé ou infirmé la brève.
Cette alliance peut avoir un rôle essentiel à jouer pour garantir un accès total et libre aux livres en voie d’être numérisés comme le font Gallica et la BNF avec un accès totalement libre. Et ce principe doit rester immuable. Si en effet nombre de livres sont inaccessibles parce que trop anciens, trop rares ou encore et surtout trop fragiles pour être mis en accès libre dans les bibliothèques, il va de soi que les numériser, c’est faire Å“uvre patrimoniale et permettre au grand public d’avoir accès aux « trésors » des bibliothèques et à ces collections dont l’accès était jusqu’alors ultra-limité aux chercheurs montrant patte blanche.
Consulter n’importe quel texte en ligne apparaît à l’évidence comme un progrès phénoménal qui, s’il n’est pas nouveau, pourrait bien permettre aux chercheurs, aux passionnés, aux bibliophiles de voir évoluer leur passion.
Mais le risque majeur est que Google ait le monopole de la numérisation. Seul Google pourrait avoir le droit de numériser des Å“uvres orphelines, et le problème de concurrence se pose de façon très claire. Ces Å“uvres orphelines sont toujours soumises au droit d’auteur mais les ayants droit ne sont pas clairement identifiés.
Pour Gabriel Stricker, porte-parole de Google, « cet accord s’attache à introduire plus de concurrence dans l’espace du livre numérique; on peut donc facilement comprendre que nos concurrents se démènent pour empêcher qu’il y ait plus de concurrence »… Soit !
La justice fédérale US et la commission européenne se penchent sur ce problème très sérieux posé par cette position monopolistique de la numérisation. Cependant, 125 millions de $ ont été mis sur la table par Google pour créer un Registre des Droits du Livre permettant aux auteurs et éditeurs d’enregistrer leurs oeuvres et de percevoir une rémunération sous forme de droit d’auteur.
Quant à la France, ou plus exactement à la BNF, elle ferait elle aussi numériser ses livres par Google… gratuitement, comme ce fut déjà fait pour les fonds de la bibliothèque de Lyon. Les coûts sont en effet délirants et ne peuvent être supportés par la BNF. Jean-Noël Jeanneney, président de la BNF en 2005, avait, à l’instar de l’Open Book Alliance, envisagé de fonder une bibliothèque européenne numérique, “Europeana“, ouverte en ligne en novembre 2008.
Le nouveau ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, rappelait également dans un Communiqué de presse que « les solutions retenues devront l’être dans le strict respect des droits d’auteurs et s’inscrire pleinement dans la politique de numérisation du patrimoine culturel de l’Etat que souhaite conduire le Ministre ». Je ne sais pas si c’est Hadopi 2 et ses propres droits d’auteur qui le travaillent, mais la question des droits n’est pas la seule. Que le patrimoine soit numérisé est une nécessité, mais par Google et uniquement Google, cela pose problème. Si nous sommes loin de Big Brother, la puissance de la firme américaine et les enjeux financiers sont tels qu’il serait préférable que ce travail ne soit pas entre les mains d’une seule société, quelle qu’elle soit.
L’accès au patrimoine et sa diffusion sans aucune limite doivent absolument être garantis.
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MAJ : Le Canard Enchaîné de cette semaine revient longuement sur ce sujet en page 4
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