Humanitaire: les médias sociaux à la rescousse!
Il faut sortir de la logique du prime time si l'on veut assurer une plus grande efficacité du système humanitaire.
Plus nous sommes témoins de catastrophes humanitaires et plus il devient flagrant que notre système humanitaire ne fonctionne pas. Aussi longtemps que l’humanitaire sera tributaire de la logique du prime time, il demeurera d’une efficacité douteuse.
Je prends pour exemple Haïti. Hier, 12 juin, cela faisait précisément cinq mois que la terre y avait tremblé. Avez-vous lu un papier sur la question dans les journaux du week-end ? Qui se soucie de cinq mois ? Ça n’est pas un anniversaire ça cinq mois ! Par contre je vous prédis que le mois prochain, lors des six mois, ce qui est beaucoup plus pertinent pour les médias, on en parlera (un peu). Bon, bien sur c’est la coupe du monde de foot, alors tous les regards sont tournés vers le ballon rond et vers l’Afrique du Sud, pas vers Haïti et sa reconstruction. J’imagine aussi que les douze mois, le premier anniversaire de la catastrophe on se posera la question de savoir si l’aide est parvenue à bon port et comment elle fut utilisée.
Qui fait le suivi ?
Ce qui est déplorable dans notre système humanitaire, c’est la logique de l’urgence. Des images chocs dans l’actualité soulèvent la compassion et suscitent le don. Mais qu’en est-il ensuite ? On nous dit qu’il faudra dix ans pour reconstruire Haïti. Alors oui, certes, des dons ont été fait, plus que pour le tsunami même, c’est dire. Mais qui fait le suivi ? Qui nous tiens au courant de l’état de la reconstruction sur une base régulière? Quand je lis comment ont parfois été utilisés les dons du Tsunami (c’était il y a cinq ans, on peut donc avoir un certain recul), ca ne me donne guère envie de redonner lors de la prochaine catastrophe…
Comment se fait-il qu’à l’ère des médias sociaux, mon don ne me permette pas de participer ou du moins de suivre en temps (presque) réel ce qui se passe sur place ?
Nous vivons désormais dans un monde où l’on veut savoir ce qu’il se passe, surtout qu’en tant que donateur je me retrouve participant actif de la reconstruction. Je veux savoir comment mon argent est dépensé, et par qui. J’ai besoin de témoignages. J’ai surtout besoin qu’on me prouve que mon geste a été utile. Et que je devrai poursuivre ma générosité. Il n’appartient pas aux médias d’attirer mon attention tous les six mois sur l’humanitaire. Je dois me sentir impliqué par mon ONG. Pourquoi pas plus de blogues par exemple ? Ça ne serait pas bien difficile à mettre en place. Tous les envoyés sur place sont capables de bloguer. Qui sait utiliser un traitement de texte peut bloguer, pour peu qu’on le lui demande gentiment… Pas besoin de grands moyens.
Les bonnes vieilles recettes qui marchent (ou pas)
Les logiques de notre système humanitaire datent d’il y a plus de cinquante ans. On a guère évolué depuis. Je vois de près les tactiques publicitaires de certaines ONG et fondations. On fait un blitz une ou deux fois par an dans les médias traditionnels, et on arrête, par manque de moyens certes, mais surtout parce que l’argent doit être utilisé pour agir plutôt qu’à communiquer. Bien sur communiquer (pardon on dit “sensibiliser” dans cette industrie) est important, mais combien se donnent la peine de le faire sur le long terme ? Combien d’ONG entretiennent-elles des blogues sur leurs activités. Combien donnent la parole à ceux qui sont aidés ? Bien peu en vérité. Je décèle une certaine volonté d’aller plus loin, mais souvent par manque de moyens ou de connaissances, on se contente de répéter les bonnes vieilles recettes qui marchent (ou pas), parce qu’on sait le faire.
Quand je consulte les sites de mes ONG préférées, je me retrouve trop souvent à la préhistoire du web. Et quand c’est moderne, trop souvent c’est inefficace.
Si vous avez un blogue d’ONG ou de fondation qui fonctionne, merci de me le faire savoir, je ferai un autre billet sur les bons et moins coups dans le secteur… En attendant, pour finir sur une note optimiste (on ne se refait pas), voici ce que fait le CECI pour Haïti : ce n’est pas encore un blogue mais au moins j’ai des infos régulières, et même des témoignages vidéo comme celui ci-dessous. Nous sommes dans la bonne direction.
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Billet initialement publié sur La Fontaine de pierre sous le titre “Humanitaire, sortir de la logique d’urgence” ; photo CC Flickr urmania
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