WikiLeaks: Une nouvelle fuite imminente?

Le 19 novembre 2010

Pris dans la tourmente judiciaire en Suède, Julian Assange est-il en train de préparer un baroud d'honneur? Après avoir annoncé une publication de 2,8 millions de documents, le site de l'organisation est subitement devenu indisponible.

Cet article sera mis à jour au fil de notre travail d’enquête et de crowdsourcing. Martin Untersinger contribue depuis Stockholm.

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For english readers, here is a quick summary:

24 hours after issuing an arrest warrant with rape charges against Julian Assange, the Swedish Justice forwarded a red notice to Interpol, synonymous with an international procedure. Contacted by OWNI, Mark Stephens, the British lawyer representing WikiLeaks’ founder, stongly criticized the “irregular method”, he “has never seen before” in his entire career. For his part, Björn Hurtig, the Swedish lawyer representing Assange, said he had already appealed, while recognizing that this case could influence WikiLeaks’ agenda. Now, Interpol has yet to confirm the warrant provided by the Swedish authorities, a procedure that usually takes a few hours. Now that WikiLeaks has announced “a new world” and a release “7 times more important than the Iraqi Warlogs”, the organization’s website seems to be running out of order.

Mercredi 24 novembre, 18h48 : l’appel d’Assange contre le mandat d’arrêt suédois a été rejeté

L’appel déposé vendredi par l’avocat de Julian Assange contre le mandat d’arrêt émis jeudi matin par la justice suédoise a été rejeté. La cour d’appel de Svea a estimé qu’il existait suffisamment de preuves pour maintenir le mandat d’arrêt visant à amener Julian Assange à s’expliquer devant la justice suédoise dans le cadre d’une affaire de viol.

La cour d’appel a sur certains points des avis différents de ceux du tribunal de première instance, mais considère qu’il y a toujours des raisons de demander son arrestation“, a expliqué le tribunal dans un communiqué, cité par l’AFP.

19h20 : Joint par OWNI, l’avocat britannique de Julian Assange a qualifié la décision du tribunal suédois d’”inhabituelle” et a condamné l’action de la procureur Marianne Ny, qu’il a jugé “inutile“. “Ce ne sont plus des poursuites [prosecution], ce sont des persécutions [persecution] !” a ainsi jugé Mark Stephens.

Il a également rappelé que jusqu’à présent, “aucun document” n’avait été transmis à son client et qu’avant de se présenter devant la justice suédoise, ce dernier attendra que la procureur soit passée “par toutes les étapes du processus” en lui communiquant “un résumé des preuves et des accusations qui pèsent contre lui, dans sa langue maternelle“.

Mark Stephens a par ailleurs éludé la question de savoir si l’échec de la procédure d’appel allait perturber la divulgation prochaine de nouveaux documents, en estimant “ne pas avoir à communiquer” sur les activités de Wikileaks.

Mercredi 24 novembre, 15h50: Wired annonce une fuite

Réputé pour ses rapports conflictuels avec Julian Assange, le blog Threat Level de Wired affirme que la prochaine livraison de WikiLeaks est “imminente”. Citant Bloomberg et des sources militaires, le site avance la date du 26 novembre pour cette nouvelle  publication, qui concernerait les fameux “mémos diplomatiques” qu’auraient transmis l’analyste Bradley Manning à l’organisation.

Au mois de février, WikiLeaks avait publié un échange entre Washington et Reykjavik, présenté comme un test par Manning. En attendant d’en savoir plus, il faut déjà résoudre un problème purement arithmétique: l’organisation avait annoncé une fuite “sept fois plus importante que les Warlogs afghans”. Pourtant, les “diplomatic cables” n’en représenteraient “que” 250.000.

[23h30] Le site est de nouveau opérationnel. Jusqu’à quand?

Mardi 23 novembre, 23h: WikiLeaks ne répond plus

Alors que le site de l’organisation ne connaissait jusqu’à présent que la maintenance comme routine, son accès a été subitement interrompu mardi 23 novembre aux alentours de 23 heures. Faut-il y voir le signe annonciateur d’une nouvelle publication? Cet incident est d’autant plus étrange que WikiLeaks vient de quitter PRQ, son hébergeur suédois, perquisitionné en septembre. Dès lors, on peut également envisager une atteinte portée aux infrastructures.

Pour ceux qui souhaiteraient accéder au site, vous pouvez toujours utiliser le site miroir.

Lundi 22 novembre, 6h: WikiLeaks annonce une nouvelle fuite et un “monde nouveau”

Via son compte Twitter, Wikileaks a annoncé cette nuit (heure française) qu’il va divulguer des documents dont la taille est sept fois supérieure à celle des war logs d’Irak. Une fuite énorme, puisque la précédente consistait déjà en 400.000 documents classifiés de l’armée américaine relatifs à la guerre en Irak, ce qui en faisait la plus grosse fuite de l’histoire de documents militaires.

Next release is 7x the size of the Iraq War Logs. intense pressure over it for months. Keep us strong: http://is.gd/hzbIa

Deux heures plus tard, il publiait un message encore plus fort :

“The coming months will see a new world, where global history is redefined.”

Samedi 20 novembre, 13h45: Interpol temporise

Dans un communiqué transmis à la presse, Interpol précise que l’antenne suédoise de l’organisation n’a pas encore communiqué le contenu de la notice rouge:

Nous ne pouvons fournir plus de détails tant que la division suédoise d’Interpol n’a pas donné le feu vert au Secrétariat Général pour rendre publique la notice en question. Par ailleurs, Interpol Suède ne pourra fournir cette autorisation que si le procureur général autorise une telle initiative.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que l’intitulé du communiqué fait référence au “fondateur de WikiLeaks”, et non à Julian Assange. Même s’il est poursuivi à titre personnel, l’activiste australien aura vraisemblablement toutes les peines du monde à dissocier son nom de l’organisation qu’il dirige, et contre qui cette procédure pourrait se retourner.

20h: Le mandat est émis

La police suédoise nous confirme par téléphone que la notice rouge a été transmise à Interpol. Par l’intermédiaire de son siège lyonnais, la police internationale précise que l’information “doit d’abord remonter via le bureau suédois d’Interpol et qu’elle sera publiée sur [le] site dès qu’elle aura été traitée par les opérateurs”.

[19h45] “La Suède malade de ses viols”. Avant d’évoquer les rouages de l’affaire ou le piège sexuel dans lequel aurait pu tomber Julian Assange, il faut mentionner le fait que la Suède est le pays qui recense le plus grand nombre de plaintes pour viol en Europe. Selon un article de Libération publié en 2009, pas moins de quinze personnes déposeraient plainte chaque jour dans le royaume scandinave, soit plus de 5.500 sur la seule année 2008.

[19h30] Deux types de notice rouge. Interpol rappelle qu’il existe deux types de notice rouge, “celles qui visent les personnes amenées à comparaître dans le cadre d’une enquête” (c’est le cas de Julian Assange), et “celles qui concernent les individus condamnés par contumace et devant purger leur peine”. En tout état de cause, le fondateur de WikiLeaks doit composer avec les accords d’extradition (PDF) signés entre la Suède et le Royaume-Uni (où il serait actuellement) en 1980.

[18h10] Le mandat émis autour de 20h. Tommy Kangasvieri, du National Bureau of Investigation, nous apprend que “les opérateurs sont en train de publier le mandat sur les systèmes”, en ajoutant que celui-ci devrait être officialisé vers 20h.

17h50: “Je n’ai jamais vu un procureur enfreindre la loi comme elle l’a fait”

Contacté par OWNI, Mark Stephens, l’avocat britannique de Julian Assange, a affirmé qu’il serait “très surpris” si un mandat d’arrêt international était lancé contre son client. Très remonté contre la procureur en charge de l’enquête à Stockholm, Marianne Ny, il estime que “les procédures était illégales et non nécessaires”: “Je fais confiance à mon confrère suédois, qui m’a expliqué que la procédure engagée par la procureur étaient illégales”, a-t-il expliqué.

Et d’enfoncer le clou:

La procureur est en complète infraction avec les lois suédoises, les loi européennes, les lois internationales et même les lois britanniques : elle a complètement failli à ses obligations. Jusqu’à présent, elle n’a pas donné à mon client un seul document, et il n’avait pas connaissance de l’identité des plaignantes jusqu’à hier, quand la plainte a été présentée à la cour. La procureur ne nous en avait pas informé. La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme l’oblige pourtant à communiquer à mon client, dans un langage qu’il connait, la nature des accusations des preuves qui pèsent contre lui.

Selon son avocat, Julian Assange aurait proposé de coopérer avec la justice suédoise, sans que celle-ci ne lui offre de réponse. “Julian a offert sa coopération, il a proposé de rencontrer les autorités suédoises à l’ambassade de Suède à Londres ou en terrain neutre, à Scotland Yard”, rappelle-t-il.

Mark Stephens n’a d’ailleurs pas de mots assez durs à l’encontre des autorités judiciaires suédoises :

J’ai travaillé sur des dossiers dans le tiers-monde, dans des régimes totalitaires, et je n’ai jamais vu un procureur enfreindre la loi comme elle l’a fait. Si un mandat d’arrêt international est lancé, il faudra probablement qu’elle [la procureur] l’annule la semaine prochaine, quand l’audition de l’appel de mon collègue suédois aura lieu.

Selon son avocat, toutes ces procédures n’affecteront pas le travail de Julian Assange : « il va continuer à travailler comme avant. Mais si il est définitivement accusé, la chose la plus sensée à faire sera de coopérer et d’arranger la situation, mais tant que la procureur se comportera de la sorte, elle pourra s’attendre à des résistances ».

[17h40] L’avocat britannique dénonce une procédure “bizarre et exotique”. Interrogé par Channel 4, Mark Stephens, l’avocat britannique d’Assange, a vivement critiqué le mandat suédois, en stigmatisant l’attitude de la procureur Marianne Sy:

Je n’ai jamais vu ça, comment pourrions-nous lui répondre? Elle empoisonne délibérément les médias en présentant Julian comme un violeur qui cherche à se souscrire à la justice.

17h: L’avocat suédois d’Assange a fait appel

Joint à Stockholm vendredi en fin d’après-midi, Björn Hurtig, l’avocat suédois de Julian Assange a confirmé l’existence d’un mandat d’arrêt international, décerné par la procureur Marianne Ny: “elle a fait une demande de mandat d’arrêt international, mais elle ne m’en a pas encore informé”, a-t-il précisé.

L’avocat suédois nous a également confirmé avoir déposé un recours en appel contre le mandat d’arrêt lancé jeudi matin par la cour de justice de Stockholm. “Nous ne savons pas si cette décision aboutira, nous prendront une décision quand nous en saurons plus“.

Pour le moment, un voyage urgent d’Assange en Suède semble exclus, du moins tant que le mandat d’arrêt n’a pas été officiellement lancé:

Je ne sais pas si il a l’intention de se rendre en Suède mais au moment où je vous parle, il ne l’a pas prévu. Je lui ai d’ailleurs demandé de ne pas le faire, nous verrons si notre appel aboutit.

En tout cas, ce mandat d’arrêt pourrait momentanément mettre au pas WikiLeaks et son patron. “Si un mandat d’arrêt international est émis, je crois honnêtement qu’il lui sera difficile de continuer à travailler, de participer à des conférences ou donner des discours”, explique-t-il, sans se prononcer sur l’agenda de publication de l’organisation, qui pourrait être chamboulé.

Björn Hurtig a par ailleurs tenu à rappeler les “faiblesses” du faisceau de preuves qui pèsent contre son client:

S’il y a procès, s’il est condamné, il y a évidemment le risque qu’il soit jeté en prison, mais il faut attendre d’abord de voir s’il y a mise en examen. Toutefois, il faudra qu’ils aient quelque chose de plus solide pour gagner le procès. Je ne pense pas qu’ils en aient assez pour le condamner. Ils ont un dossier très faible mais en Suède, il y a cette loi étrange qui permet de le mettre en détention même si les preuves sont minces.

Tout reste donc suspendu à ce fameux mandat d’arrêt qui devrait être rendu public dans les heures qui viennent: “Si la police de l’endroit où il se trouve l’interpelle, c’est son avocat dans ce pays qui lui dira quoi faire. Mais il sera probablement transféré en Suède. Je ne lui ai pas parlé, mais je pense qu’il a la même conviction que moi: s’il y a procès, il gagnera.”

16h30: Le Pentagone se fait discret

Au mois de septembre, quand le parquet suédois avait subitement fait volte-face en lançant un premier mandat d’arrêt avant de se rétracter, Julian Assange avait évoqué les “coups bas” (“dirty tricks”) du Département de la Défense américain. En filigrane, il soupçonnait l’administration d’être à l’origine des accusations de viol. Aujourd’hui, devant ce gros caillou dans la chaussure de WikiLeaks, le major Christopher Perrine préfère jouer profil bas. Il l’explique au téléphone, laconique:

Je ne pense pas qu’il soit approprié pour nous de commenter une décision de justice suédoise, interne par nature.

16h: Le mandat dans les tuyaux

Quelques heures après avoir lancé un mandat d’arrêt pour viol contre Julian Assange, la justice suédoise s’apprête à diffuser une notice rouge (PDF), synonyme de signalement auprès d’Interpol. “Nous attendons que les autorités suédoises nous transmettent l’ordre afin que nous puissions le publier sur notre site”, explique un porte-parole de l’organisation internationale de police criminelle. Joint au téléphone par OWNI, Tommy Kangasvieri, le fonctionnaire du National Bureau of Investigation suédois en charge du dossier, révèle que le processus devrait aboutir dans les heures qui viennent:

Pour l’heure, la procédure est soumise au secret de l’instruction, mais le mandat est en train d’être traduit en plusieurs langues, et nous allons le publier sur nos machines.

Jeudi, déjà, Bjorn Hurtig, l’avocat suédois de Julian Assange, avait exprimé la “forte probabilité” de voir son client répondre devant la justice scandinave.

Pour retracer les trois derniers mois de WikiLeaks, vous pouvez consulter notre chronologie interactive (en grand format en cliquant ici):

Quelques liens pour mieux comprendre WikiLeaks

Allô c’est Julian Assange (le récit de notre rencontre avec Julian Assange à Londres)
Warlogs irakiens, l’interface de visualisation (live-blogging des Warlogs irakiens)
Julian Assange et démons (éclairage sur la personnalité complexe du fondateur de WikiLeaks)
Les dix thèses de WikiLeaks (à quoi sert le site?)

Retrouvez tous nos articles étiquettés WikiLeaks en cliquant ici
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Crédits photo: Flickr CC espenmoe, Natasha Friis Sachberg

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