Les data en forme

Le 7 octobre 2011

La veille hebdomadaire des journalistes de données chez OWNI, avec aujourd'hui un mélange de météo, de politique et de sexe.

Une fois n’est pas coutume, ce sont les représentations d’un mouvement de foule, de son humeur ou de son opinion, ou de son empreinte géographique qui ont attiré notre attention cette semaine. Et c’est devant une nouvelle production de haut vol (en HTML5, forcément) du New York Times que nous nous pâmons le plus nettement : “What’s Your Economic Outlook?” [en] est une application de crowdsourcing développée par Tom Jackson, Daniel McDermon et Aron Pilhofer, ayant pour objet d’interroger les lecteurs sur leur sentiment face à l’avenir, pour leur propre travail, pour l’économie et les générations futures. Et naturellement, de se situer par rapport aux autres internautes de passage. Le rendu graphique, qui affiche l’ensemble de l’étude ou bien son contenu filtré par vos soins, est original et lisible, sans fioritures, et offre une photographie instantanée de l’échantillon – sans doute non représentatif de la population étasunienne – ayant répondu à l’enquête. Et pour les plus sociologues d’entre-vous qui souhaitent aller au-delà de la simple représentation graphique, les commentaires des internautes valent indéniablement le détour – tant pour leurs motifs d’espoir que pour les sentiments négatifs qui les parcourent assez globalement.

What's Your Economic Outlook?

“Aucune carte du monde n’est digne d’un regard si le pays de l’utopie n’y figure pas.” (Oscar Wilde)

Autre cartographie artistique du réel, “Les divisions raciales et ethniques dans les villes américaines“, remarquable travail d’Eric Fischer inspiré de la carto radicale [en] de Bill Rankin, et élaboré à partir des données du recensement de 2010. Le principe : chaque point équivaut à vingt-cinq citoyens, qui sont colorisés selon leur “race”1 (rouge pour les Blancs, bleu pour les Noirs, vert pour les Asiatiques) ou leur ethnie (orange pour les Hispaniques). Le résultat : la mise en avant par la couleur que la mixité sociale est un concept très théorique. A défaut d’obtenir ce genre de données pour la France, où la question des statistiques ethniques est un vaste débat, ce travail sur les États-Unis remplit bien son office : celui de nous faire cogiter sur nous-mêmes.

Race and ethnicity 2010

Restons dans l’ouverture des données et rapprochons-nous de la France pour découvrir, en ce jour de perturbations sur les chemins de fer de notre beau pays, une excitante initiative citoyenne : “Un train de retard“. Ce site d’information indépendant est “basé sur les données publiques distribuées par la SNCF” et agrège très intelligemment celles-ci en reconstituant un véritable tableau de bord statistique en temps réel de la qualité de service du rail. Reste à savoir si la SNCF glissera sur la pente dangereuse déjà empruntée par la RATP en la jouant un peu perso, ou si elle rendra hommage à ce bel ouvrage qui n’aurait pas été possible sans l’ouverture des données.

Un train de retard

La France, quand elle ne célèbre pas Steve Jobs, se prépare doucement à renouveler son état-major et la première étape passe par les primaires socialistes dès ce week-end. On se sera sans doute fait son idée en suivant les débats à la télévision, mais rien ne vaudra jamais une petite synthèse pour faire son choix – s’il en est un – parmi les candidats. A ce jeu, les experts du Figaro avaient ouvert le bal au mois d’août avec leur application “Les propositions des candidats à la primaire socialiste” et viennent d’être tardivement rejoints par les fines gâchettes du Monde dans leur visuel interactif “Primaire PS : comparez les propositions des candidats“. Sans être emballant esthétiquement, ni par le choix de la technologie employée (bref, j’ai fait un tableau en Flash), ce gros boulot de Samuel Laurent (#FF) et Alexandre Léchenet (#FF) doit figurer dans notre modeste veille hebdomadaire, sans la moindre hésitation.

Juste un truc : François Hollande aime la Hadopi. Faudra mettre à jour.

Primaire PS sur lemonde.fr

“La séduction est de l’ordre du rituel, le sexe et le désir de l’ordre du naturel.” (Jean Baudrillard)

Pour surfer sur la vague rose, un petit détour vers la moiteur et la sensualité #oupas, à travers deux maniements de la data cochonne : le premier, raffiné, dûment nommé “Every Playboy Centerfold, The Decades” [en], est le travail de l’artiste Jason Salavon, issu de sa série “Amalgames” [en], dont le principe est de produire une synthèse (vous voyez comme on est raccord) graphique d’un corpus d’œuvres pour en créer une finale. Ici, c’est l’ensemble des pages centrales de la célèbre revue Playboy qui est empilé dans un élégant flou quadrifide qui n’est pas sans rappeler vaguement le linceul de Turin. Voulu ou pas, l’effet qui s’en dégage est troublant : il semble qu’à travers les âges, le choix (inconscient ?) du magazine se porte vers des demoiselles en moyenne de plus en plus pâles. Une pensée pour Michael Jackson.

Every Playboy Centerfold, The Decades

Moins subtile, l’infographie un poil buzzy du site de recherche d’écoles et d’emplois dans la psychologie Online Psychology Degree, intitulée sobrement “Porn Addiction in America” [en], s’efforce de démontrer que les Étasuniens sont complètement drogués au porno. Rapprochée tout en nuances pour l’occasion à la prostitution (Argent + Sexe = Business), l’industrie de la pornographie arroserait le bon peuple de deux nouveaux films par heure aux États-Unis, et pas moins de 30 000 citoyens chauds comme la braise visualiseraient du cochon chaque seconde que Dieu fait. Pire, 70% du trafic Internet salace se ferait pendant les heures de bureau. Ce n’est pas en France qu’on verrait des choses comme ça arriver !

Porn Addiction in America

One more thing

S’il existe un autre sujet consensuel à l’humanité qui aura survécu haut la main à la migration des esprits vers le numérique et l’immatériel (hormis le sexe, donc), c’est bien la météo. Il existe un nombre indécent de sites web consacrés à cette science de l’improbable, qu’on aime critiquer pour leurs prévisions parfois détrompées par les faits, souvent par les espérances. Choisir “son” site météo c’est un peu comme devoir trouver son marteau chez Casto : c’est utile mais à la fin ils se ressemblent un peu tous. C’est à ce moment qu’entrent en piste Jacob Norda et James Diebel et leur concept : WeatherSpark [en]. En s’appuyant sur les données de weather.gov, de l’Institut national de météorologie de Norvège et des API des sites World Weather Online et Weather Central, les deux jeunes ingénieurs californiens ont monté une interface interactive de grande classe qui permet de naviguer dans la donnée, y compris dans le temps, de manière extrêmement intuitive et quasi ludique.

C’est clairement le frisson Flash du moment.

WeatherSpark

WeatherSpark


Retrouvez les précédents épisodes des Data en forme !

  1. “race” au sens américain du terme, sociologique et non biologique []

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